HEURE DES COLONELS 3

  

Création le 14 janvier 2022

« Je vous ai compris ! ». La foule explose, il est 19 heures. Plus de 100 000 personnes ont envahi le Forum et ses environs. « Français à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs  ... J’ouvre les portes de la réconciliation  …Combien c’est beau, combien c’est grand, combien c’est généreux , La France !». Le général De Gaulle ouvre ses deux bras en V. Il ne prononce ni les mots d’intégration ni d’Algérie française.



Mahdi Belhaddad, né le 25 juin 1918 à Chir, haut fonctionnaire français, premier musulman à avoir atteint le poste de sous-préfet puis de préfet dans l'Algérie française. ne se fait aucune illusion sur l’intégration, ni sur la « fraternisation subite ». Il provoque la jalousie des militaires. 


Colonel Trinquier

Par ailleurs Bellounis a considérablement augmenté ses forces et ses exigences. Le colonel Trinquier est chargé de le réduire, ce qu’il fait. Les derniers hommes de Bellounis rejoignent le FLN.

À Paris, Francis Jeanson, écrivain, prend le parti d’aider la Fédération de France du FLN en créant un réseau procurant hébergements, prête-noms, lieu de réunion et planque des cotisations. Pour éviter les fuites, son réseau se limitera au transport de fonds et au choix des refuges. D’autre part, à la fin de 1957, toute la population nord-africaine de métropole est contrôlée par le FLN, soit plus de 400 000 personnes. Le MNA est décimé. Grâce à des complicités, les cartes d’État-Major de l’Algéries sont utilisées par le FLN.

Ferhat Abbas

 
Le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne), créé pour mener des négociations avec de Gaulle, est présidé par Ferhat Abbas. Du côté français, un référendum est voté à 96% en Algérie ; par ailleurs, pour regonfler le moral des maquis ébranlé par l’étanchéité du barrage à la frontière tunisienne, le FLN décide de porter la guerre en métropole. Mais le GPRA est prêt à discuter de l’avenir de l’Algérie, sans préalable.

Le 3 octobre 1958, le général De Gaulle fait une conférence à Constantine sur l’avenir de l’Algérie. C’est le « plan de Constantine », un plan économique, avec le retrait des militaires du pouvoir et l’annonce d’élections. Cela déclenche de très vives réactions des ultra Européens, alors que De Gaulle fait appel à « la paix des Braves », ce qui provoque un peu partout des réactions hostiles.

Sur le terrain, les contacts entre officiers SAS et moudjahidin se multiplient, surtout au sujet des camps de regroupement, qui sont une aberration. En revanche, dans la Willaya 3 d’Amirouche, un nommé Mayouz invente le supplice de l’hélicoptère : l’homme nu a les pieds et les mains liés et réunis par une corde que l’on accroche à une branche. Le corps est hissé à 50 cm du sol, puis chargé de 40 kgs de pierres. Sous le corps oscillant, un "canoun" empli de braises est arrosé. L’homme, les muscles brisés, les os craquants, respire cette vapeur brûlante, qui attaque le visage, les poumons ou le bas-ventre … Trois mille  jeunes gens en ont péri.

Puis c’est l’affaire Azzedine : au cours d’une opération, il est blessé et capturé. C’est le chef du commando interzonal Ali Khodja. Le capitaine Marion, du 2ème Bureau du général Massu, essaie de le rallier : Azzedine fait semblant d’accepter, et rejoint le maquis. Par ailleurs, le GPRA est très loin de faire l’unanimité parmi les maquisards.

L’ANGOISSE

De Gaulle nomme Paul Delouvrier pour appliquer sa politique économique, mais au vu de ses premiers contacts, Delouvrier est persuadé que De Gaulle ne fera pas une politique « Algérie française » ; il reçoit comme adjoint militaire le général Challe. Donc Delouvrier remplace Saan, mais découvre que l’Algérie est un cadeau empoisonné   L’armée crée les D.O.P., organismes d’interrogatoires des prisonniers, mais aussi talentueux en matière de toture que les bourreaux du FLN. On est loin de la « paix des braves » que De Gaulle continue à prôner.

Amirouche

Le GPRA cherche à émouvoir les membres de l’ONU. pendant qu’Amirouche cherche à devenir le « général » des colonels des willayas, mais il est tué lors d’une opération. De son côté De Gaulle fait au journaliste de l’Écho d’orange cette confidence : « L’Algérie de papa est morte », et fait poursuivre le plan économique. Et le général Challe lance l’opération « Jumelle » en Kabylie, avec actions sur renseignements. En cinq semaines, les résultats sont considérables.

Tournée des popotes

Pour se faire une idée de la situation, De Gaulle entreprend la « tournée des popotes » fin août 1959. Il a en particulier un entretien avec Belhaddad, entretien qui n’est guère glorieux. Par ailleurs, il fait une allocution « officieuse » où il signale que l’ère de l’administration indirecte des autochtones par l’intermédiaire des Européens est révolue, et parle de transformation de fond en comble, puis officiellement d’autodétermination le 16 septembre.

L’annonce de l’autodétermination provoque la stupeur, puis la rage, chez bon nombre d’Européens d’Algérie.

LA RÉVOLTE

Les ultras des Européens préparent la mobilisation des Unités Territoriales pour les transformer en organisations paramilitaires. Les bruits les plus fous courant à Alger. Massu est littéralement prisonnier de ses colonels. Plus les jours passent, moins De Gaulle pense à une rébellion militaire. Le 22 janvier 1960, la machine infernale se met en marche : À l’Élysée, De Gaulle veut le rappel de Massu à Paris : Challe prophétise : « le sang coulera à Alger » ; De Gaulle est d’un avis contraire.

Challe et Delouvrier
 

À Alger, tout le monde se prépare à une action armée. Yves Courrière, qui fait son service militaire au Gouvernement Général est au courant de tout. Le dimanche 24 janvier, c’est l’émeute révolutionnaire. Le premier ministre Michel Debré, qui se rend à Alger « pour s’informer », manque de se faire kidnapper ! Delouvrier et Challe sont épuisés. Le pouvoir cède la place à l’impuissance. Néanmoins, Delouvrier fait à la radio une allocution émouvante.


Lagaillarde et Ortiz

Le général De Gaulle parle enfin à la radio : « Pouvez-vous écouter les menteurs et les conspirateurs qui vous disent qu’en accordant le libre choix aux Algériens la France et De Gaulle veulent vous abandonner, se retirer de l’Algérie et la livrer à la rébellion ? » Des négociations s’ engagent avec les insurgés : Lagaillarde sortira en armes et défilera dans Alger ; Ortiz disparaît. « Alger brisée, cassée, humiliée va réapprendre à vivre. Mais rien, jamais plus, ne sera comme avant » (Yves Courrière)

Yves Courrière