LE TEMPS DES LÉOPARDS 1



Création le 18 juillet 2021

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L’arrivée de Jacques Soustelle en tant que Gouverneur général de l’Algérie est une histoire pas comme les autres. Il est accueilli avec des grincements de dents. François Mitterand, Ministre de l’Intérieur, l’a convoqué le 25 janvier 1955, en lui disant : « La situation n’est pas facile. Il faut tout reprendre en main. Et appliquer les réformes … ». Mitterand souhaite le maintien de l’Algérie dans un cadre français, mais assorti de réformes. Soustelle consulte le général de Gaulle qui réfléchit longuement : « Pourquoi pas ? Vous pouvez prendre ce poste. »

 

Soustelle est entré 1er à l’École Normale. Il devient ethnologue. Froid, secret, félin, calculateur, doté d’une suprême intelligence. Mendes France est épuisé par les problèmes posés par l’Indochine, la Tunisie, le Maroc, maintenant l’Algérie. Il lui propose de faire « l’intégration ».

Mais le 6 février, le gouvernement Mendès est renversé ! Mendès a pourtant poussé un cri d’alarme : « Ou bien ce sera la politique d’entente, ou bien la politique de répression et de force. Avec toutes ses horribles conséquences. »

 

Mostefa Ben Boulaïd

 L’accueil d’Alger est donc glacial. De plus le commandant Vincent Monteil, qui parle arabe et les dialectes, propose à Soustelle d’aller voir Mostefa Ben Boulaïd qui est prisonnier à Tunis. Rencontre dans la cellule où est le prisonnier. La conversation se poursuit en chaouïa. Monteil a devant lui un homme cultivé, sympathique, courageux, un organisateur, qui souhaite une Constituante algérienne … Il a été poussé à bout par le sentiment très vif de l’injustice qui frappe son peuple.

 

                                    Belkacem Krim

Dans le maquis, c’est la nourriture qui manque le plus. Un garde champêtre joue les fiers à bras. Il est tué. Mais l’hiver est dur en Kabylie : la neige envahit les sommets, les routes sont boueuses. Belkacem Krim a du mal à conserver le moral de ses troupes. Il les galvanise en leur promettant de capturer Moh N’Ali Moh, qui habite une huilerie et estréputé invincible. Cela fait, il demande à son prisonnier d’aller porter des fausses nouvelles au Bachagha sur l’importance des forces du maquis. Les insurgés sont galvanisés. Ils ne se sentent plus de joie.

L'objectif de Krim est de récupérer un maximum d'armes, puisque les armes promises de l'étranger ne lui parviennent pas.  L'argent manque aussi. Un espoir : la conférence de Bandoeng qui doit réunir 29 pays afro-asiatiques en avrl 1955.

Dans les Aurès, les « grandes opérations » détériorent la situation. Soustelle en est très conscient. Au début de mars, il rencontre Germaine Tillon, héroïne de la Résistance, et qui est revenue parmi ses amis Chaouïas, et qui lui raconte ce qui se passe vraiment. Lui-même a sur son bureau des rapports accablants sur certains membres de la police d’Alger.

 

Germaine Tillon

 Il propose à Germaine Tillon de faire partie de son cabinet, qu’ il constitue avec des personnes de valeur. Un premier devoir s’impose à lui : appliquer immédiatement le Statut de 1947 et respecter la dignité des Algériens.

À Bandoung, l’Indien Nehru estime que l’Algérie est partie intégrante de la France. Cette conférence est un échec pour le FLN. Seule l’Arabie promet une somme de 100 millions de francs pour acheter des armes. Quant à l’Égypte, elle se contente d’héberger Ben Bella, dans la mesure où le Président Nasser veut contrôler tous les mouvements politiques du monde arabe.

Le 15 mars, Krim et Ouamrane se rendent à la casbah d’Alger pour discuter d’un parachutage d’armes; Mais ils se font dénoncer. Krim s’enfuit en se déguisant en femme.

De son côté, le Gouverneur Soustelle veut discuter avec des représentants modérés des Algériens pour créer une « troisième force ». Ceux-ci lui répondent que l’apaisement ne pourra naître que de la libération des détenus non compromis … Soustelle répond que personne ne sera inquiété ou arrêté pour ses opinions, même si elles sont contraires aux siennes. Il se heurte aux jérémiades du grand colonat, et à un début de panique de la population pied-noire.

Quant aux chefs de l’armée en guerre dans les Aurès, ils ne prévoient pas la paix ailleurs. Soustelle fait appel au général Parlange, qui met en place les S.A.S. (sections administratives spécialisées). pour s’occuper vraiment de la population algérienne. Ces officiers SAS, on en parlera, on les glorifiera, on les chargera de tous les péchés du monde. À eux de se débrouiller. Les bons officiers SAS ont la flamme ; ils font un bien considérable, contribuent à la nourriture du village, soignent les malades gratuitement, simpifient les complications administratives …  Ils seront la France, ils vont se faire rapidement aimer de la population … Mais il a aussi les mauvais, qui se spécialisent dans les malversations. La SAS devient la « bonne à tout faire » de l’Algérie.

Soustelle rencontre Ferhat Abbas. Chacun est ravi de la rencontre  Quant aux chefs historiques de la rébellion, ils sont prêts à accepter une autonomie interne de l’Algérie étalée sur vingt ans !!

Mais voilà : une lourde machine de guerre se met en place des deux côtés. Des camps d’internement sont créés. La police est une véritable féodalité. Dans la tempête qui se lève, Soustelle gouverne d’un coup de barre à droite, d’un coup de barre à gauche ; il ne contrôle plus la situation. Il fait une tournée en hélicoptère dans les Aurès, découvre la misère immense de la population, l’adversaire insaisissable, les assassinats odieux … Il est traumatisé. L’engrenage "terrorisme -répression" se met en marche. Soustelle prône maintenant la force : « Tout rebelle pris les armes à la main doit être tué ». Des deux côtés, les actions « politiques » cèdent la place aux crimes de droit commun.

Germaine Tillon, désespérée, retourne à la création de Centres sociaux. Quant à Ferhat Abbas, il prend le parti de « l’Algérie algérienne ». C’est le début de l’embrasement.

La suite dans un prochain article.