NOUS AVONS PACIFIÉ TAZALT

 


 Création le 2 mai 2021

Jean-Yves ALQUIER est né le 30 avril 1931 à La Rochelle dans une famille éprise de la France, et qui y a donné de nombreux cadres civils et militaires, dont son grand-père, polytechnicien, mort en février 1916, à la tête de sa batterie d’artillerie. Son parcours scolaire à partir du niveau secondaire se déroule à Paris. Ensuite, il suit les cours de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), et en sort diplômé en 1952. Mais il n’en reste pas là. Il rejoint Londres pour étudier dans la très prisée London School of Economics (LSE), l’une des toutes premières écoles au monde pour les sciences sociales. Il en sort également diplômé en 1953.

En octobre 1956, il est nommé chef d’une Section Administrative Spécialisée (S.A.S.) à Texenna et se fait remarquer par un travail des cœurs en profondeur. Sa région est pacifiée, au prix d’un engagement total, contre une guérilla  dont les survivants feront partie de "l’armée islamique du salut" pendant la terrible guerre civile algérienne dénommée « décennie noire ». 

Texenna

 En 1957, il publie un livre « Nous avons pacifié Tazalt, Journal de marche d’un officier parachutiste », qui a tout lieu d’être une biographie de son activité en Algérie. Pour éviter des représailles, il change tous les noms propres. Par exemple, Tazalt s'appelle en fait Texenna.

Il décède en 2007.

**********************************

Officier parachutiste rappelé, Jean-Yves Alquier est nommé Chef de Section Administrative Spécialisée en Kabylie, pour reprendre en main le destin d’une S.A.S. , qui avait été fermée en raison de l’intense activité des maquisards  (le plus sale coin qu’on puisse trouver ! lui a-t-on dit). Ceux-ci interdisent à la population de contacter la S.A.S. sous peine d’égorgement. Une bande armée, étrangère à la région, avait pris le contrôle des habitants (eux qui avaient été sommés par l’Administration de rendre leurs armes !) .

Alquier, qui a une très bonne situation, est autorisé par son Directeur en France à rempiler pendant 6 mois. Pendant ce temps, les exactions de la bande se poursuivent : interdiction de se faire soigner à la S.A.S., interdiction de participer à une chantier d’évacuation des eaux,  avec égorgements à la clé.

Pendant ce temps, « on » affirme en France métropolitaine qu’il n’y a pas de problème en Algérie. Mieux : "on" affirme, à chaque instant, que c'est "le dernier quart d'heure" !

Alquier ouvre un chantier de piste, ce qui donne du travail aux campagnards qui crèvent de faim : même leurs gosses mangent des glands, parce que les fellaghas prennent tout. Les anciens déclarent qu’ils sont pris entre le marteau et l’enclume : « Si on travaille avec les fellaghas, les soldats nous tuent, ou en va en prison ; si on travaille avec toi, les fellaghas nous égorgent ». Mais les travaux de la piste connaissent du succès, Un grand nombre de volontaire afflue, tandis que le chef des fellaghas décrète une grève générale avec la mort pour sanction, ce qui est le cas pour trois des quatre chefs de chantier.

Pour accentuer leurs  menaces de mort, les fellaghas distribuent des tracts « Au nom du Dieu Miséricordieux » . Furieux que la grève n’ait pas été suffisamment suivie, ils dévastent une école dans le bled. Mais, fait curieux, des hommes des mechtas viennent travailler bénévolement sur le chantier pour montrer leur solidarité avec Alquier. 

10 février 1957 : la bataille d’Alger est gagnée par les parachutistes. Alquier signe trois fois plus de laisser-passer pour Alger que les semaines précédentes. Mais les escarmouches  se poursuivent, alimentées par des convois d’armes venant de Tunisie, et qui ne sont même pas interceptées par les unités « régulières ». Pour ces raisons, le médecin qui assiste la S.A.S. est très pessimiste.

Un ami musulman parle de la ville de France où il a été contremaître pendant 5 ans : « Je connais les 18 chefs rebelles armés qui prennent à tous les Musulmans 1500 francs par mois. Pour rien au monde nous ne les dénoncerons : la police nous confrontait en public, et celui qui donnait le renseignement était descendu, dans les huit jours, par les tueurs du chef qu’il avait dénoncé. Quant au fellagha, il était condamné à quelques mois de prison pour port d’armes illégal ou association de malfaiteurs … On préfère payer 1 500 francs et être tranquille ».

Les fellaghas ont de plus en plus de mal à recruter dans la région, et leur moral est en baisse. Des documents d’ordre financier sont capturés, qui indiquent qu’en Algérie la perception est de plus en plus difficile et c’est de la métropole ou de l’étranger que la majorité des fonds proviennent.

Mais, le 14 juin 1957,  le Colonel apprend à Alquier que son régiment est retiré du « quadrillage » et redevient opérationnel. Celui-ci devra donc quitter la S.A.S. Les habitants sont démoralisés : « Tu nous promet que la France ne s’en va pas, que si c’est l’Indépendance, tu es sûr que nous pourrons tous aller en France ? Tous ceux qui auront travaillé avec la France seront massacrés ». Et Alquier de retourner à la vie civile.

Le livre se termine par une boutade d’un voisin de table à Marseille : « Alors, l’Algérie, vous y croyez encore ? On voit bien que vous en venez. Quand vous aurez passé huit jours à Paris, vous m’en reparlerez … ».

LA MORALE DE CETTE HISTOIRE

L’absence de stratégie des responsables politiques et militaires français a été notoire. Le destin de l’Algérie était de devenir souveraine. Il fallait l’accompagner en instruisant des personnes de valeur pour qu’elles puissent occuper des responsabilités dans un Maghzen (pouvoir central), comme au Maroc.

L’absence de stratégie des indépendantistes a été similaire. On ne gouverne pas valablement un pays avec des chefs de bande. L’indépendance devait être attribuée aux citoyens, quelque soit leur origine, leur religion ou leurs moyens économiques. Il a manqué à l’Algérie un nouvel Abd el-Kader.

LA MORALE DE LA MORALE

Jean-Yves Alquier a-t-il dit la vérité, toute la vérité, sur ses actions à « Tazalt » ? Ceux qui pourraient le savoir sont les habitants actuels de Texenna, qui peuvent en témoigner à partir de leurs souvenirs personnels. Ceux-ci pourront être recensés dans le présent article, sous réserve que leur mémoire, datant de plus de 60 ans, leur soit restée fidèle …