FAUCHEURS D'ÉTOILES

 

Création le 9 octobre 2020

Samir Djallali, né en 1991 dans un village de Kabylie, est un écrivain algérien. Après avoir commencé des études de littérature en Algérie, il s’expatrie en France, afin de les terminer à l’Université Paris VIII ; puis il entame l’écriture avec son roman « Faucheurs d’étoiles ».

Le sens de notre vie nous appartient-il vraiment, ou nous est-il imposé, dès notre naissance, par un père, une mère, une société ? Sans être consultés, nous sommes enchaînés à un rôle, malgré notre premier cri de douleur.


************************ 

Le Matin d’Algérie a l’ambition de contribuer à la promotion de la liberté d’expression et de la diversité des opinions.  Le Matin d’Algérie a également l’ambition de concilier esprit de liberté et de responsabilité.

On ne peut pas mieux écrire une recension de ce livre que Djamal Arezki, journaliste au journal « Le Matin d’Algérie »

https://www.lematindalgerie.com/faucheurs-detoiles-le-premier-roman-de-samir-djallali
 

Nous en publions ci-dessous quelques extraits :

*************************

L’’histoire se déroule en Algérie, vers la fin du XXème siècle. Faucheurs d'étoiles commence avec un père et sa fille, chrétiens, qui rentrent en Kabylie. Le père est un révolutionnaire, ancien membre du FLN, écarté à la naissance d'un État algérien arabo-musulman, à l'indépendance acquise en 1962.

Chaque personnage s’affirme avec son « je » et se distingue dans un style à la fois poétique et léger : «J’ouvris les yeux avec peine. Masnsen me faisait face. Je ne savais pas comment il a su pour mon accident, mais je me retenais de le lui demander. Je ne savais même pas si c’était la réalité où les médicaments qui me faisaient halluciner. Je sentais au fond de moi une grande joie et ne voulais pas gâcher le bonheur de le revoir. Mais après ce qui m’est arrivé, je ne pouvais plus retarder l’heure de la vérité. Je devais tout lui dire. D’autant plus que je ne savais pas si je survivrais ou pas. Les médecins n’étaient pas sûrs». 

Nous découvrons, au fil de la lecture, que ces récits ne forment qu’un seul récit en réalité. Chose inattendue, la parole est donnée à tous les protagonistes, même à un terroriste, lui qui n’a pas l’habitude de prendre la parole (il prend autre chose !), raconte sa « vérité ». En faisant parler ce monstre, l’auteur essaye de comprendre les mécanismes de l’intégrisme religieux. Ce qui nous amène à penser que peut-être on ne naît pas terroriste mais on le devient. Ce qui déplace la notion de la culpabilité. On le voit bien, l’auteur est ancré dans son temps, dans sa société.
 

Dépité (pas député comme certains de ses compagnons de combat), ce père se réfugie alors en Kabylie pour élever sa fille Roseline. Des années plus tard, devenue jeune et belle femme, Roseline sera tiraillée entre la passion qui la lie à un fanatique religieux et à un ami qui se révèle être son bourreau : « Le sens de notre vie nous appartient-il vraiment ou nous est-il imposé dès notre naissance par un Dieu, une société, une famille ? Sans nous consulter, à un rôle nous sommes enchaînés malgré notre premier cri de douleur».  C’est toute la complexité de la situation de l’Algérie post-indépendante.
 

L’auteur nous montre à travers cette fiction, le poids de l’héritage d’une société en mal de repères qui court vers sa propre perte. Masnsen doit porter le sien. L’écrivain nous emmène à travers les méandres de la folie pour décortiquer les mécanismes de blocage, de violences et de mal-être de la population en proie à une violence multidimensionnelle. Ce mal-être est métaphorisé par cet enfant qui se réveille dans un hôpital psychiatrique sans aucun souvenir de sa vie passée. Pire encore, il ne sait plus qui il est. Les jours se suivent et nous partageons avec lui sa quête du passé. Que va-t-il découvrir ?
 

L’histoire s’achève sur l’un des moments clés de l’Algérie moderne : le Printemps Noir Amazigh, qui vient comme un souffle de vie en quête de liberté et de démocratie tant rêvées, tant fantasmées, en guise de réponse au fanatisme religieux qui redouble de férocité, qui étend chaque jour un peu plus ses tentacules empoisonnées.
 

L’auteur fait aussi un clin d’œil aux femmes à travers l’évocation de la célèbre Sophonisbe. Ce personnage symbolise toute une génération de femmes algériennes qui ont contribué à l’édification d’une nation digne de ce nom, en gageant leur vie.  Elles se battent quotidiennement à la fois contre les interdits de la tradition et ceux de la religion.
Sophonisbe arpente les rues d’Alger pour dire non au silence dans lequel on veut la murer après lui avoir volé son enfance.  Elle veut aussi retrouver ce petit enfant qu’elle avait connu jadis.
 

La relation Sophonisbe et Masnsen est non sans nous rappeler celle de la reine carthaginoise et du roi numide. L’histoire va-t-elle se répéter ? Et Sophonisbe sera-t-elle amenée à se tuer en s’empoisonnant ?
 

L’intelligence de ce récit réside dans sa faculté à apporter une pensée critique à la fois sur la société algérienne et sur la vie. Il est également une réflexion sur les rapports humains. Ce qui témoigne de la capacité de l’auteur, malgré sa jeunesse, à penser la société dans laquelle il vit ; ce que nous retrouvons, malheureusement, de moins en moins dans la littérature contemporaine. Ces réflexions sont mises dans la bouche de plusieurs personnages, et celui qui en fait le meilleur usage est sans conteste Da-Ravah, un vieux que rencontre Masnsen à l’hôpital psychiatrique. Sa folie se révèle être sagesse.
Faucheurs d’étoiles marie à la fois tragédie et espoir. Une harmonie presque insoutenable entre l’amour, la mort et la folie. Qui sont ces faucheurs d’étoiles ?
 

 Djamal Arezki


 

****************************
 

UN COMPLÉMENT SUR SOPHONISBE
 

Fille d'Hasdrubal Gisco, général carthaginois, célèbre pour sa beauté et son éducation, elle épousa Syphax, roi de Numidie vers -206/-205, sur ordre de son père, afin de sceller une alliance entre Carthaginois et Numides. D'après Diodore de Sicile (XXVII, 7), elle passait pour instruite dans les belles lettres et la musique. Appien (Lib., X.37) rapporte par ailleurs qu'elle fut auparavant fiancée à Massinissa, autre roi numide rival de Syphax, avant qu'il ne devienne allié de Rome. La plupart des historiens gréco-romains soulignent l'influence de Sophonisbe sur Syphax.
 

En juin -203, à la suite de la défaite de Syphax et d'Hasdrubal à la bataille des Grandes Plaines, face aux armées romaines, puis à la prise de Cirta par Massinissa, elle retrouva ce dernier, qui l'épousa sur-le-champ. Mais Scipion l'Africain désapprouva cette union, craignant que Massinissa ne se détourne de l'alliance romaine au profit de Carthage. Alors qu'elle devait finalement subir le sort des vaincus et être emmenée à Rome pour figurer au triomphe de Scipion, Sophonisbe préféra la mort plutôt que de subir le déshonneur de tomber aux mains de ses ennemis et s'empoisonna.


Mort de Sophonisbe