L'OISEAU DU GRENADIER
Les contes et légendes ont marqué l’histoire ancienne des peuples tant qu’ils ne disposaient pas du théâtre, des romans, du cinéma, de la télé, et puis enfin des réseaux sociaux. Voici 17 petits contes kabyles recueillis par Rabah Belamri dans le village de son enfance. Des contes souvent drôles, parfois cruels, où la magie est omniprésente et dans lesquels la tendresse, l’humour et la dérision se font les garants de toute une tradition orale.
Rabah Belamri, né le 11 octobre 1946 à Bougaa (ex-Lafayette), dans la région de Sétif, en Algérie, et mort le 28 septembre 1995 à Paris, est un écrivain algérien. Après des études au lycée de Sétif, à l'École des jeunes aveugles d'El Biar (Alger), à l'École normale d'instituteurs de Bouzareah et à l'Université d'Alger, il arrive en 1972 à Paris où il soutient un doctorat sur L'œuvre de Louis Bertrand, "Miroir de l'idéologie coloniale" qui fut publié par l'Office des Publications Universitaires (OPU) en 1980. Il acquiert la nationalité française.
Il est l'auteur de plusieurs recueils de poèmes, de contes et de romans inspirés par son enfance algérienne. Son livre, « L’oiseau du grenadier », a été illustré par Rolf Weiburg, un artiste hollandais dont les voyages en Afrique constituent un sujet important de ses œuvres.
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Commençons par les animaux :
Le chacal n’a pas bonne réputation : c’est un prédateur, un menteur, un hâbleur qui mange les oisillons de la mésange naïve, laquelle est secourue par la cigogne qui emporte le chacal dans les airs, et le fait tomber sur terre, où il est roué de coups par les bergers pour ses méfaits. Un autre chacal à la queue coupée veut faire ouvrir la porte aux chevreaux (pour les manger) en imitant la voix de leur mère : il remplit son gosier de miel qui attire les fourmis … qui mangent la graisse du gosier.
Après avoir mangé les chevreaux ainsi que des marcassins, il veut que le lion lui tue une vache et en échange lui fabrique des chaussures en cuir de vache. Ces chaussures rétrécissent et le lion est furieux … etc.
- Gardes-moi entière, et je saurai accomplir tout ce que tu désires dans ta vie.
Le jeune homme pauvre retrouve sa mère, et son vœu suivant est d'habiter un luxueux palais pour remplacer son taudis. Troisième vœu : épouser la fille du roi. Le jeune homme réussit une épreuve que les prétendants doivent affronter sous peine de mort en cas d'échec. Mais la princesse, une fois mariée au jeune homme, rencontre un magicien et échange la noix contre une poule et ses poussin ... La princesse volage finit par se faire pardonner.
L'ogre est méchant et veut s'emparer de la fille du bucheron. Les sept fils, tour à tour, veulent récupérer leur sœur mais les six premiers se font tuer par les animaux des bergers qui sont au service de l'ogre, et le septième par l'ogre lui-même. Alors leur mère enfante un huitième garçon qui devient très vite un géant. Il défie l'ogre à l'épée et à la massue, si lourdes que l'ogre est anéanti. Le garçon visite le chateau de l'ogre rempli de trésors, retrouve sa sœur et retourne au village.
Un maître coranique décide de se rendre à La Mecque, et confie la garde de sa femme et de ses garçons à un épicier, son meilleur ami croit-il. Celui-ci force la femme à l'épouser et fait bosser les garçons. Il fait rôtir un bel oiseau qui chante trop à son gré, et le donne à manger aux garçons. Mais l'oiseau est magique : celui qui a mangé le cœur devine tout ce qui est caché, celui qui a mangé la tête trouve tous les matins une somme d'argent sous son oreiller ... Le devin devient grand juge, et l'autre devient riche. Au retour du maître coranique, l'épicier sera châtié.
Le dernier est celui de "l'Oiseau du Grenadier" :
Un chien vole un gigot dans la maison dont la femme a oublié de fermer la porte. La femme a peur que son mari ne la chasse ; elle décide de tuer son fils qui remplacera le gigot, avec le couscous et les légumes. La petite sœur est très triste et enterre les os de son frère, et dans la nuit un petit grenadier pousse à cet endroit et un petit oiseau, perché sur le grenadier, raconte tout au père ; celui-ci est furieux et tue sa femme ... Rassurez-vous, ce n'est qu'un conte.
Et la formule pour clore un conte est :
Voilà ce que nous avons entendu,
Et voilà ce que nous avons dit.
Notre conte serpente comme un ruisseau,
Et nous l'avons raconté à des seigneurs.