GUERRE ET PAIX EN 1839 - 1
Création le 1 juin 2017
L’année 1839 a été une année cruciale pour les Algériens et l’Algérie. Depuis le traité - convention entre États - signé en 1802 entre le Consulat représenté par Napoléon Bonaparte et le Deylicat d’Alger représenté par Mustapha Pacha - et rompu lors du blocus des côtes algériennes et du débarquement de l’armée française à Sidi Ferruch, pour cause de conquête - il n’y a pas eu de véritable traité de paix entre l’Algérie et la France jusqu’à nos jours (2017) !
Que s’est-il passé exactement en 1839 ? Les témoins ont bien sûr disparu, restent le lent travail de décryptage des écrits et l’interprétation des non-dits.
D’abord, la montée en puissance de la mécanique de la guerre :
Extrait final du discours à la Chambre, le 18 mars 1829, de Charles Lemercier de Longpré, baron d'Haussez, Ministre de la Marine et des Colonies :
« On a soulevé la question de l’avenir réservé à l’État d’Alger après la conquête. Je ne pense pas que ce soit ici le moment de s’en occuper. Avant l’accomplissement d’un fait, ses conséquences ne peuvent être prévues avec assez de précision pour devenir l’objet d’une discussion publique ; et vous reconnaîtrez, Messieurs, l’impossibilité où je suis de fixer vos idées sur ce sujet.
Mais qu’on se rassure : ces dépenses ne tombent pas en pure perte : elles auront pour résultat une expédition glorieuse pour nos armes, et utile à la chrétienté, dont l’injure sera vengée avec celle de la France et qui nous sera redevable de la sûreté de son commerce et de l’affranchissement de l’humiliant tribut qu’elle payait à des pirates »
Il contribua à faire révoquer le traité d'abord conclu avec les envoyés du pacha d'Égypte, Méhémet Ali, en vertu duquel ce dernier était chargé de courir sus aux pirates d'Afrique et de venger les coups de chasse-mouches donné par le dey d'Alger au consul de France. Dès qu'il eut été décidé que la France s'armerait elle-même pour sa propre querelle, l'Angleterre demanda vainement des explications, se plaignit et recourut même à la menace. La France lui fit connaître que le roi ne déposerait les armes qu'après avoir atteint le double but qu'il s'était proposé, à savoir le redressement des griefs, cause immédiate des hostilités, et, en second lieu, le triomphe des intérêts communs à toute la chrétienté. Cette attitude irrita profondément l'Angleterre.
À Paris, l'ambassadeur d'Angleterre, sir Charles Stuart, essaya d'intimider le baron d'Haussez dans des entretiens semi-diplomatiques. Mais le ministre de la Marine repoussa ces démarches, et l'on dit même que, dans la conversation, irrité du ton tranchant de l'ambassadeur, il lui déclara : "Si vous désirez une réponse diplomatique, M. le président du conseil vous la fera. Pour moi, je vous dirai, sauf le langage officiel, que nous nous f*** de vous !"
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Pour la bonne compréhension de la situation, il est utile de brosser deux tableaux : celui des Algériens vus par les Français et celui des Français vus par les Algériens.
TABLEAU CÔTÉ FRANÇAIS
Les ethnies berbères, juives et arabes étaient soumise depuis deux millénaires par des colonisateurs, qu’ils soient romains, vandales arabes et dernièrement ottomans. Elles étaient connues par les Européens sous le nom de « barbaresques » Les expéditions punitives européennes et finalement américaine (cf Raïs Hamidou) s’étaient multipliées. Les griefs ne manquaient pas. Les généraux français avaient la nostalgie de l’épopée napoléonienne, les financiers louchaient vers le trésor du dey d’Alger, accumulé grâce à la piraterie et l’esclavage … Enfin l’idée d’imiter la colonisation anglo-saxonne ou hispano-portugaise des Amériques était tentante.
Qu’un jeune chef »indigène » du nom d’Abd el-Kader se prenne pour un « interlocuteur valable » était une idée farfelue, au point que le général Desmichels, qui avait bien compris la situation, avait été écarté. Le « traité » de la Tafna n’était considéré - côté français - que comme une convention privée signée - provisoirement ? - avec un « chef de bande » barbaresque !
TABLEAU CÔTÉ ALGÉRIEN
La domination ottomane, personnifiée par les janissaires dans les villes et par les tribus maghzen dans le bled, était lourde à supporter par la population, et la scolarisation était surtout religieuse. La révolution française avait provoqué un intérêt certain parmi les élites algériennes, et pendant les tout premiers jours, elles avaient été heureuses de se voir débarrassées de la tutelle de la Sublime Porte.
Mais tout avait basculé lorsque les tribus maghzen avaient été dépossédées de leur droit de dominer les tribus raya, et lorsque la soldatesque française s’était comportée en pays conquis. Or les Oranais s’étaient choisis un chef moderne, démocrate, et ambitieux de créer un État « à la française », ce qui n’était pas du goût de certains chefs de tribus plus soucieux de leur intérêt personnel que de l’intérêt général. La société civile « indigène » n’était donc pas prête à suivre ce stratège de génie, qui - plus est - était un descendant du Prophète..
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Léon Roche, un Français « immigré » en Algérie, au destin d’exception, était devenu le Conseiller de l’Émir, tandis que Salomon Zermati, un juif algérien de Médéa - qui maîtrisait l’arabe - son messager auprès du Ministre de la Guerre de Louis-Philippe.
Abd el-Kader savait bien que le "traité" de la Tafna n’était pas une convention d’égal à égal, mais un pis aller du Gouvernement général en attendant que l’usure du temps fasse son œuvre …
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Le sceau d'Abd el-Kader |