LE CONGRÈS DE LA SOUMMAM




 Création le 29 mars 2017

Pendant deux millénaires, l’Algérie a vécu sous le régime de la colonisation. Il y a eu la romaine, la vandale, la byzantine, l’arabe, la turque et la française. Avec deux tentatives guerrières d’en sortir, tentées par la Kahina et par l’Émir Abd el-Kader. La troisième tentative, réussie, peut s’initialiser dans le Congrès de la Soummam qui a conduit l’Algérie à l’indépendance, en attendant l’étape suivante : la souveraineté.

Le Congrès de la Soummam peut-il être considéré comme le « Serment du Jeu de paume » algérien ? "Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baIonnettes" (23 juin 1789).

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Maître Mabrouk Belhocine, une des grandes figures du bâtonnat d'Alger, s'est éteint à l'âge de 95 ans le 3 décembre 2016. Il est né à Chemini (Aït Waghlis) dans la wilaya de Béjaïa en 1921. Belhocine a écrit "Le Courrier Alger- Le Caire 1954-1956 et le Congrès de la Soummam dans la Révolution", paru à Casbah Éditions, un livre épistolaire précieux sur la révolution algérienne. Concernant les lettres publiés dans l'ouvrage, Maître Belhocine rappelle qu'elles sont issues des archives de la Délégation extérieure au Caire, en octobre 1961.

Il commence son livre par cinq citations bien choisies d’auteurs français, allemand, italien et libanais. Nous ajoutons à la présente recension deux citations de lui :

« On m’a toujours appris à compter à partir de zéro »

«On doit écrire l’histoire même avec ses pages noires»

En 1939, la revue Ifriqya de Sahli Cherif lui fait découvrir et apprécier Massinissa et Jugurtha, qui, à ses yeux, n’avaient pas eu suffisamment leur place dans l’histoire algérienne.

Pour tout savoir sur Massinissa :

http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2097%20-%20MASSINISSA%20LE%20GRAND%20AFRICAIN

Et sur Jugurtha :

http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2086%20-%20JUGURTHA

Maître Belhocine a été de nouveau mis sous les projecteurs à l’occasion de la mise sur pied de la commission - dont il a fait partie - chargée d’enquêter sur l’assassinat du Président Mohamed Boudiaf : « Nous avons identifié l’auteur matériel du crime, mais nous n’avons pas trouvé de commanditaires. On ne va pas en inventer pour faire plaisir à l’opinion publique. » Saura-t-on jamais un jour ?


Maître Belhocine situe bien le début du conflit franco-algérien en 1830, mais il est bon de préciser que les origines de ce conflit remontent ... en 721 (à Toulouse) !

Et, en fin de page 19, nous signalons une petite imprécision : l'Émir Abd el-Kader n'a pas "fini par se rendre à ses adversaires en 1847" : il a proposé au général Lamoricière un cessez-le-feu sous conditions, lequel a été accepté, mais trahi pendant plusieurs année. Certes l'Émir n'était pas en bonne position militaire, mais il a alors fait preuve d'un pragmatisme qui est l'apanage des grands chefs.

 Dans cette partie de l’histoire franco-algérienne, il y a eu tellement d’erreurs de toutes parts qu’il est bien difficile de distinguer les erreurs qui ont engendré de celles qui ont été engendrées.

Ceci étant, la publication par Maître Belhocine du courrier secret « Alger-Le Caire 1954-1956 et le Congrès de la Soummam » a été une excellente initiative qui apporte un éclairage factuel pour la connaissance de l’Histoire de la Révolution algérienne, mais aussi celle des hommes qui l’ont animée.





1 - LE CONGRÈS DE LA SOUMMAM

C’est une chose de déclencher une insurrection et une autre de lui donner un contenu politique cohérent. En ce qui concerne l'Algérie, il fallait créer une plateforme fédérative, et ce n’était pas une mince affaire de réunir les principaux chefs de la rébellion à la barbe de l’armée française. Les congressistes et les unités de protection devaient franchir la Soummam et passer sur la rive droite, vers la région des Bibans qui à l’époque, était relativement calme.

Un incident cocasse va tout changer : un mulet, chargé d’une partie des documents, se sauve vers son ancienne  écurie, une caserne française située à Maillot ou Tazmalt. Catastrophe ! L’ennemi allait découvrir non seulement le lieu, mais encore le projet de réunion des principaux chefs de l’insurrection. Effectivement, quelques jours après, une opération de ratissage est déclenchée précisément dans cette région des Bibans … 


Où est l’erreur ? doter l’âne d’une escorte insuffisante, ou faire déclencher un ratissage par l’armée française ce qui signifiait qu'elle était au courant de tout ?

Le commandant Amirouche, chargé de la protection du Congrès, propose un nouveau site : le douar Ouzellaguen, entre Akbou et Sidi Aïch, un lieu qui domine la vallée et d’où on peut voir venir l’ennemi. Le Congrès a réuni 6 responsables :


1 Zirout Youcef (Nord Constantinois)
2 Belkacem Krim (Kabylie)
3 Amar Ouarmrane (Algérois)
4 Larbi Ben Midi (Oranais), Président
5 Abane Ramdane (Alger), Rapporteur
6 Lakhdar Bentobbal, adjoint de Zirout, admis à titre exceptionnel.






Participants au Congrès

N’ont pas assisté, quoique dûment convoqués, les représentants des Aures-Nementchas, ainsi que les délégués de l’extérieur.

Les congressistes ont défini les buts de la lutte et les conditions du cessez-le-feu, la primauté du politique sur le militaire, la primauté de l’intérieur sur l’extérieur. Ils ont créé le Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA),  le Comité de Coordination et d’Exécution (CCE), et ils ont élaboré une « Plateforme pour assurer le triomphe de la Révolution Algérienne dans la lutte pour l’Indépendance Nationale ».

Les réactions sont diverses : Ahmed Ben Bella demande de sursoir à la publication de ce document jusqu’à une confrontation des points de vue de tous les frères.




Or le 23 octobre 1956, les membres de la délégation extérieure Ben Bella, Khider, Aït Ahmed, Boudiaf, sont arrêtés dans l’interception de l’avion qui les menait de Rabat à Tunis … 

Où est l’erreur ? Mettre tous les membres de la délégation dans le même avion voire sans penser à les remplacer par des sosies, ou les emprisonner sans autre forme de procès, sans en profiter pour entamer une négociation ?

Quoiqu’il en soit Ahmed Ben Bella critique quasiment toutes les décisions du Congrès. Or les représentants des Aurès-Nementchas ne sont pas venus parce que la mort de Benboulaïd y avait créé une situation confuse.

Enfin le réel désir des membres de la délégation extérieure de participer au Congrès à l’intérieur du pays laisse dubitatif Maître Belhocine ! Celui-ci estime également que tous n’ont pas compris qu’il ne s’agissait pas de la primauté des «politiques » sur les « militaires », mais de la primauté de la Politique pour restaurer la souveraineté algérienne.

En ce qui concerne la primauté de l’intérieur sur l’extérieur, en faisant simple : 8 membres du CNRA étaient de l’intérieur, 9 de l’extérieur. L’intérieur et l’extérieur  étaient donc sur un pied d’égalité. Or Ben Bella n’a pas admis de se trouver en dehors de l’État major de la Révolution. En contestant les choix du Congrès, Ben Bella et ses amis ont posé le problème de la légitimité du pouvoir de la Révolution.

Anecdote vécue par Maître Belhocine : « Bavardant avec le capitaine Amirouche, je lui ai signalé que quelques temps auparavant, deux bombes avaient éclaté devant des écoles sans faire de victimes heureusement, mais cet incident a laissé une mauvaise impression dans l’opinion. J’ai suggéré au capitaine qu’il serait souhaitable que les objectifs à frapper soient définis par le responsable politique. La réponse d' Amirouche a été sèche et sans réplique : Celui qui veut commander n’a qu’à monter au djebel. »

Où est l’erreur ? Faire une suggestion improbable à un combattant courageux qui risque sa peau, ou considérer que la guerre doit être sans pitié, quelles qu’en soient les conséquences ?

2 - LA RÉUNION DU CNRA AU CAIRE - AOÛT 1957

Le 24 février 1956, Larbi Ben Midhi est arrêté, torturé et exécuté. Le 20-28 août 1957, le CNRA se réunit au Caire. La Présidence est assurée par Ferhat Abbas, et le secrétariat par Mohamed Ben Yahia. Le CNRA est élargi à 54 membres.

Deux décisions importantes sont prises :
1 - pas de primauté, quelle qu’elle soit.
2 - le but de la révolution algérienne demeure l’institution d’une République Algérienne démocratique et sociale qui ne soit pas en contradiction avec les principes fondamentaux de l’Islam.

Où est l’erreur ? S’appuyer sur une religion pour mener un combat politique pour une Algérie souveraine, ou laisser la voie libre aux islamistes pour établir une théocratie, en prévision d’une prochaine victoire politique ?



3 - LE COURRIER ALGER - LE CAIRE (1954 - 1956)

Le livre contient 53 lettres inédites, toutes écrites en français, la plupart à la main, et émanant principalement de Ramdane Abane ou de Mohamed Khider. Il fera le bonheur des graphologues dans la mesure où le caractère et le tempérament des chefs sont les moteurs de l’histoire des peuples.

Le Bâtonnier Mabrouk Belhocine ne croyait pas si bien dire quand il justifiait la publication de son livre : "Un livre par devoir de vérité car la vérité est révolutionnaire. Deux livres en un pour dire vrai, stigmatiser les racontars, les mensonges, les rumeurs, les mystifications qui ont caricaturé l’Histoire de la révolution de novembre."

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El Watan spécial cinquantenaire de l'indépendance

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Il est connu que les révolutions dévorent leurs enfants. À l’instar de la révolution française de 1789, qui a anéanti  Georges Danton, Jean-Paul Marat ou Maximilien de Robespierre, la révolution algérienne de 1954 s’est emparée de Ramdane Abane, de Belkacem Krim, de Mohamed Khider, ou de Mohamed Boudiaf.



Ramdane Abane
 

Belkacem Krim



Mohamed Boudiaf