LA PÊCHE AU CORAIL



Création le 20 janvier 2017

Les démêlés des Français en Algérie ne datent pas d’hier, ni même d’avant-hier, surtout quand les Turcs s’en mêlent …

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La Calle, près de la frontière tunisienne, n'est pas née de l'expédition française de 1830. En effet, le drapeau du roi de France flottait sur la Berbérie depuis bien des années auparavant. 


Son emplacement se situait sur celui de Tuniza, ville mentionnée sur des voies de l'empire romain, dressée au III° siècle.
Tuniza, dans l'antiquité punique et romaine, du berbère "Tounes" ou bivouac, devint Marza El Kharaz "le port aux breloques", puis Mers El Djnoun, port de la baie, et La Calle de massacres, et finalement La Calle ou Bastion de France, le plus important de tous les comptoirs de pêcheurs de coraux.



Déjà, vers 1286, où le commerce et la pêche au corail donnait au "port aux breloques" une prospérité importante, La Calle servait de havre aux navires, grâce à sa presqu'île allongée, parallèle au rivage, qui en faisait un abri naturel, que la providence semblait avoir pour les navigateurs, sur cette côte inhospitalière.
 Le sol riche en souvenirs recèle d'innombrables vestiges de civilisations éteintes et nous rappelle, si besoin était, que des pêcheurs de corail, Corses, Méridionaux et Français ont été à partir de 1450, les pionniers de l'installation française en Algérie.

La « Cie marseillaise des Concessions d'Afrique » s'installe en 1450 sur la cote Barbaresque entre Bône et Tunis et installe le « Bastion de France » à la Calle. Les Français y pêchent le corail et font le commerce du cuir de la laine de la cire, etc....  (Wikipedia)


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Voici un extrait du capitaine de frégate Cavalier de Cuverville - 1875) :



En 1520, alors que Kheir-ed-Din, le célèbre Barberousse, s’empare de Bône et de Constantine, des négociants provençaux traitent avec les tribus de la Mazoule et obtiennent d’elles, moyennant certaines redevances, la libre pêche du corail depuis Tabarka jusqu’à Bône, en même temps que le droit de commercer avec les Arabes.

En 1561, deux commerçants de Marseille, Thomas Linches (originaire de Morsaglia - Corse) et Charles Didier, s’associent pour commercer régulièrement avec les tribus du littoral. Avec l’autorisation du Grand Seigneur (le Sultan) et le consentement des Arabes des environs, ils fondent dans une anse du rivage, à douze lieux à l’est de Bône, un comptoir de commerce et une station pour la pêche au corail sou le nom de Bastion de France. Le havre de La Calle, connu alors sous le nom de Mers-el-Kharez (port des verroteries ou des grains à collier), est également occupé par eux afin que les navires puissent au besoin s’y abriter.


L'activité commerciale de ce comptoir s'avère importante et son développement est spectaculaire : elle compte 250 pêcheurs répartis sur 50 navires. Les profits dégagés le sont tout autant : la livre de corail se vend 6 livres tournois (un pêcheur gagne 12 sols par livre de corail pêchée, soit l'exacte moitié d'une livre tournois). Le corail est un produit de luxe utilisé en orfèvrerie (confection des chapelets par exemple). Il est encore utilisé comme monnaie d'échange aux échelles du Levant, surtout à Alexandrie, contre des épices et de la soie.




 En outre, la prospérité des Linches est mise à mal par les vicissitudes politiques d'Afrique du Nord. Le nouvel établissement rencontre de grandes difficultés ; Linches et Didier ne font pas de très bonnes affaires et sont contraints de le céder à un sieur de Moissac, qui réussit mieux. Le comptoir commence à prospérer lorsque les Turcs de Bône viennent l’attaquer et le détruire en juin 1604, soutenus par les galères d'Alger du raïs Mourad. Les Linches en appellent au roi Henri IV qui, par l'intermédiaire de son consul à Alger (M. de Vias) proteste. La réponse est sévère (le consul est roué de coups). Le gouverneur du Bastion de France, Thomas II (fils d'Antonio), parvient à le faire restaurer. 

Henri IV ordonne à ses galères d’user de représailles contre la marine de la Régence. Son ambassadeur à Constantinople, Savary de Brèves, doit prévenir le Grand Seigneur que cette insulte faite à la France ne pouvait rester impunie ; il réclame le prompt rétablissement du Bastion et une juste indemnité. La Porte ottomane fait rendre les navires capturés, et six mille sequins sont versés aux commerçants marseillais qui avaient éprouvé des pertes. Les traités de 1604, conclu à cette occasion, est demeuré célèbre dans l’histoire de la diplomatie. Aux termes de cette convention, « Les gouverneurs des régences barbaresques étaient rendus responsables dans leurs personnes et dans leurs biens des déprédations que les gens de leur pays viendraient à commettre contre les marchands français … Le droit de pêcher le corail sur la côte de la Barbarie était confirmé et garanti à la France ; ses établissements lui étaient rendus ».

La mise en exécution de ces clauses rencontre cependant des difficultés ; une expédition militaire dirigée par le sieur d’Argencourt, gouverneur de Narbonne et surintendant des fortifications de France n’ayant pas réussi à relever le Bastion par la force, un capitaine corse, Sanson Napollon, gentilhomme de la chambre de Louis XIII, chargé par le Cardinal de Richelieu de traiter directement avec Alger, parvient habilement à conclure en 1628 un traité qui remet les choses en l’état où elles se trouvaient en 1604.

Aux termes de l’article V de cette Convention, « si les bateaux de la pêche au corail venaient à être poussés par des vents contraires dans divers ports de la côte, tels que  Djidjel, Kollo ou Bône, il ne devait leur être fait aucun déplaisir ni reproche ; les équipages devaient être respectés et ne pouvaient être vendus comme esclaves ». À ce traité est annexé un état de ce qui était nécessaire pour l’entretien du Bastion de France, de La Calle, port du Bastion, et de la maison d’Alger ; ces établissements constituent ce que l’on appelle les Concessions d’Afrique.

En dépit des traités, les côtes de Provence et du Languedoc sont toujours en butte aux razzias des corsaires barbaresques ; les plaintes du parlement d’Aix décident le cardinal de Richelieu à des représailles qui amènent naturellement une nouvelle destruction du Bastion en novembre 1637. 


Trois ans après, mettant à profit une guerre que le gouvernement d’Alger soutient contre la province de Constantine, la France conclue un nouveau traité en date du 7 juillet 1640, par l’entremise d’un sieur de Coquiel ; elle obtient la reconstruction de son établissement. « Les marchands ne seront pas obligés de payer un droit de corail … Ils auront la faculté de bâtir à l’entrée des ports du Bastion de la Calle et d’y tenir des sentinelles pour se défendre des galères d’Espagne et pour protéger au besoin, contre les mêmes ennemis et contre les Maures rebelles, les navires algériens que le mauvais temps ou la peur des Espagnols forcerait à se réfugier dans les mêmes places. Les pêcheurs de corail obtiendront aide et sûreté, et les ports de la Régence seront ouverts à leurs barques s’il arrive qu’elles soient poussées par la tempête en aucune des échelles de la côte. »

En 1681, le gouvernement algérien se brouille à nouveau avec la France, mais le divan d’Alger ne cherche pas cette fois à se venger sur les établissements français de la guerre terrible qui leur est faite par l’amiral Duquesne. Lorsqu’en 1683 Duquesne fait subir un second bombardement à Alger, l’agent de la compagnie réside dans cette ville et personne ne songe à le maltraiter. 


Cependant l’amiral français, redoutant quelque acte de vengeance de la part des Turcs, croit prudent de ne pas laisser les négociants de La Calle à leur ressentiment et il les fait transporter à Tabarka pour attendre l’issue de la lutte.

Fort génois de Tabarka

Tabarka est une ville côtière du Nord-Ouest de la Tunisie située à une centaine de kilomètres de Tunis et à quelques kilomètres de la frontière algéro-tunisienne. Son nom est étymologiquement d'origine berbère et signifierait « pays des bruyères ».

On rappellera qu’en 1829, la reprise de La Calle par le dey d’Alger fut l'un des prétextes pour l’expédition française de 1830.