LÀ OÙ LA PISTE S'ARRÊTE


Voici le deuxième volet de "l'épopée silencieuse des SAS" : c'est un témoignage féminin : celui de Madame France Parizy-Vinchon, assistant médico-sociale SAS dans le nord Constantinois, dont René Frank, agrégé de grammaire, a fait la recension du livre « Là où la piste s’arrête » publié en 1992 aux Éditions Muller.
 

Mais elle est complétée par une autre recension : celle de Jean-Charles Jauffret en 1996 dans la Revue Française d’histoire d’Outre-mer, diffusée par l’excellent fonds documentaire de Persée.fr de l’École Normale Supérieure de Lyon. Jean-Charles Jauffret est Professeur émérite de Sciences Po d'Aix-en-Provence.

Cet article est donc une vision binoculaire …

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Ce livre pourrait avoir comme sous-titre : « La fille qui ne connaissait pas la peur ». En effet, l’auteur, après avoir obtenu le baccalauréat, a choisi d’être Assistante Médico-Sociale SAS dans le Nord Constantinois et elle est allée dans des endroits de plus en plus dangereux, sans éprouver la moindre crainte : la petite ville d’El Milia, le village d’El Hanser, et, perché au flanc d’un djebel, le hameau de Mechta Berra.



Qu’est-ce qui l’a motivée ? Certainement l’amour de la terre d’Algérie. Elle le dit et nous pouvons la comprendre, nous qui avons vu ses paysages magnifiques. Sans doute aussi, une grande affection pour le peuple arabe, et surtout les femmes, et encore plus les enfants, comme le montre bien une des photographies qui illustrent la première page de couverture.


 Mais, sans vouloir jouer les psychanalystes, je crois voir en elle d’autres motivations : d’une part le désir d’être indépendante, d’autre part celui d’exercer une certaine souveraineté sur un domaine si petit et si exposé fût-il.

D’ailleurs le premier soir où elle dort à Mechta Berra, elle se dit : « Bonsoir mon royaume ». Tout montre, par ailleurs qu’elle était entièrement dévouée envers ces hommes, ces femmes et ces enfants qui avaient besoin de médicaments (et des piqûres !), de vêtements et de nourriture.



Mademoiselle Vinchon a connu un Échelon de Liaison et quatre SAS. Ses rapports avec les commandants de l’échelon ont été bons : ils la traitaient un peu comme leur fille. Avec certains chefs de SAS, il en a été autrement. Elle les avait idéalisés d’avance et elle a rencontré des hommes de qualités diverses : certains étaient très bien, d’autres moins.

Finalement, l’auteur nous dit peu de choses des SAS et de leur fonctionnement. Elle reste cantonnée dans son travail d’Assistance Médicale Gratuite, et d’assistante sociale qui lui permet de bien connaître la population. Elle trace de très bons portraits de musulmans, et notamment d’enfants. Mais elle ne s’intègre pas aux SAS ; elle l’avoue : « Vingt mètres me séparent de la SAS, vingt mètres que je voudrais voir s’allonger. » Comme elle mange le plus souvent au mess des compagnies, elle connaît bien la vie de celles-ci. Cela ne l’empêche pas d’exercer son esprit critique sur les officiers qu’elle rencontre ; elle en trace des portraits bien enlevés en quelques mots. Un seul suscite son admiration sans faille : le colonel Trinquier, toujours impeccable dans sa tenue para.

Ce livre constitue un témoignage très vivant sur la vie quotidienne des soldats français et de la population arabe pendant la guerre d’Algérie.






 La piste de Madame Parizy s'est arrêtée définitivement le 21 juin 2014 ...