PAYS DE L'ÉMIR 1
Création le 28 mai 2016
L’autobiographie de l’Émir Abd el-Kader a été écrite lors de sa détention en France (plus vraisemblablement à Pau qu'à Amboise), soit par lui, soit en partie par son gendre et homme de confiance Mustapha Ben Touhami qui l’accompagnait dans son malheur.
L’un des membres de la famille de Jacques Chevalier a trouvé le manuscrit, par hasard, dans la cave de sa maison, en cherchant du bois. Il l’avait sans doute reçu de son proche, le général « Poissonnier », l’un des officiers qui ont surveillé l’Émir dans les « résidences » de Pau et d’Amboise, où il était gardé. Connaissant son importance historique, il l’a offert immédiatement au Ministre des Moudjahidin qui en a fait don à la Bibliothèque Nationale algérienne en 1970. Restait le problème de l’interprétation, car la signification de certains mots a disparu, certaines expressions sont sybilines. Restait donc à faire un inventaire à partir de l’exemplaire photocopié en 1983. Il restait à savoir qui a écrit la biographie…
Le livre présente deux travaux séparés, même s’il apparaît comme un travail unique. Le premier comprend des informations personnelles, familiales et historique sur la vie de l’Émir. Le second comprend des informations générales sur l’histoire de l’Islam, des Prophètes, des Arabes, des Musulmans, des Byzantins et sur la morale de ces gens.
Pour aider à la compréhension du livre, le traducteur, Hacène Benmansour, en a révélé les difficultés au lecteur francophone. Puis l’équipe « Émir Abd el-Kader », sous la plume de Mohamed Esseghir Bennati, en a fait une analyse détaillée : nous apprenons ainsi que le manuscrit comprend 226 pages parmi lesquelles trois pages blanches, qui augurent un changement de rédaction. Toutes les pages sont écrites à l’encre noire excepté quelques mots écrits en rouge dans le chapitre six. Exception faite des parties transcrites par l’Émir lui-même, ou semble-t-il par quelques uns de ses amis, toutes les autres parties sont pleines de fautes, et remplies de falsifications et de négligences …
Et la question qui se pose est la suivante : qui a écrit à l’Émir pour lui demander de rédiger son autobiographie ? Le livre est composé de sept chapitres. Dans son introduction, le professeur Abdelmadjid Meziane, ancien ministre algérien de la Culture. Nous nous bornerons à citer un paragraphe qui nous semble important :
« Il a évité le style glorificateur, tout en insistant sur les points communs de l’Islam et du Christianisme. Ce qui montre une mentalité ouverte à la culture et un « Idjtihad* » dans le but de réconcilier les religions et les croyances chez certains Foukahas** qui n’ont connu que la première culture islamique, laquelle n’a pas eu de contact avec des sciences extérieures excepté celles intégrées par la Charia. »
* L’ijtihâd (arabe : ijtihād, اِجْتِهاد, effort de réflexion) désigne l'effort de réflexion que les oulémas ou muftis et les juristes musulmans entreprennent pour interpréter les textes fondateurs de l'islam et en déduire le droit musulman ou pour informer le musulman de la nature d'une action (licite, illicite, réprouvée…).
** Le fikh, habituellement traduit par droit musulman, est un ensemble doctrinal élaboré au cours des siècles par des générations de théologiens-juristes qui se sont exprimés sur un certain nombre de questions intéressant la société musulmane pour ordonnancer son organisation et son fonctionnement à partir des « sources » fondamentales de l’Islam.
Et enfin, une préface signée par le professeur Abou El Pacem Saadallah félicite les enquêteurs pour la réalisation de ce premier travail, en prémices d’une « Bibliothèque de l’Émir », un homme qui a créé un bouillonnement civilisation en Algérie et au Maghreb arabe dont les conséquence s’étendent aujourd’hui sur une grande partie du monde.
« Tandis que nous avançons pour construire l’avenir, il nous faut aussi regarder en arrière pour connaître la qualité de la construction faite par nos ancêtres. Et aucun peuple ne peut se valoir d’une civilisation qui ne serait pas née de la pensée des ancêtres. »
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« Certains évêques chrétiens m’ont demandé d’écrire l’histoire de la guerre et de la paix entre eux et nous en territoire algérien en donnant la cause de chacune d’elles. Nous ajouterons à cela des informations sur le combattant, et c’est là l’objectif principal. »
Et l’Émir de poursuivre, en rappelant les termes lettre du capitaine X : « Je sais que je vais vous demander une faveur. Il s’agit de m’écrire, quand il vous sera possible, tous les événements qui vous concernent. Vous commencerez par ceux de votre Seigneur Monsieur el Hadj-Mohieddine. N’oubliez pas d’écrire l’histoire des événements importants qui vous concernent depuis votre enfance jusqu’à nos jours … Quels sont les vices et les vertus des Français selon vous ? Qu’est-ce que vous feriez si vous étiez à votre place ? Et comment vous géreriez les intérêts des Musulmans qui ont refusé l’exil et ont accepté leur domination (française) conditionnée par le respect de leur religion ? »
Le premier chapitre est consacré à la généalogie de l’Émir ; les liens de parenté du côté de son père et de ses grands-pères, et du côté d’autres parents convergent tous vers la famille du Prophète.
Abd el-Kader est né à Ghris du côté de l'Ouest, pas loin de Om Asker (une ville qui domine les camps = Mascara), où réside son père. Cette ville fut construite par son grand-père au XVIIIème siècle. Elle était connue sous le nom d'El Kitna dans les environs de l'oued Hammam.
Les étudiants qui ont appris le Coran et la science au village étaient très nombreux, dépassant les 500 ou 600 personnes. Les études se faisaient à la mosquée, où il y avait environ sept cercles d'enseignement.
La biographie de l'Émir poursuit :
Quand il était jeune, il ne ressemblait pas à ses pairs. Il possédait les meilleures vertus et maîtrisait les sciences et les arts.
Il a étudié la grammaire, l'éloquence et la logique chez les savants d'Oran ... en ce qui concerne sa force, son intelligence, sa droiture (et autres vertus) il était exceptionnel ... Il était aussi maître en équitation et en bravoure, et tout le monde lui en témoignait.
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Grotte où l'Émir venait se désaltérer entre deux cours |