LE COUP DE L'ÉVENTAIL 1
Création le 17 mars 2016
L’Histoire de France est émaillée d’images colorées, comme un défilé de mode. Par exemple : « Souviens-toi du vase de Soissons » (et bing !), ou bien « Marignan 1515 » (identifiant et mot de passe), ou bien : « Le roué, c’est moué » (le roi « soleil »), ou bien « il faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » (le trio inventeur du mot « terrorisme »), ou bien « La ligne bleue des Vosges » (coût : 1 400 000 morts), ou bien « La route du fer est coupée » (seulement pour 10 jours), ou encore « Je vous ai compris » (voire !). Comme l’Algérie n’existait pas encore, comme chacun sait, puisque elle était un protectorat ottoman (une régence), les Algériens ne sont pas responsables de ce qu’on les appelait alors avec effroi les « Barbaresques ». Ils sont donc muets sur cette période millénaire de leur histoire, en guerre contre presque toutes les nations européennes et américaine, et même, une fois n’est pas coutume, contre le beylicat de Tunis.
Leur défilé de mode se limite donc à « Le coup d’éventail » (un coup fumant) et « La casquette du Père Bugeaud » (qui a « porté le chapeau » du Roi). Beaucoup pensent que ce « coup » est à l’origine de la conquête de l’Algérie. En fait, il n’en est que le très bon prétexte, suite à un contentieux commercial « tordu » portant sur une livraison de blé, par une officine locale, à la Ière République, devenue Empire, devenu Royaume. Mais d’autres raisons, inavouées et inavouables, de part et d’autre, ont coloré cette affaire en image d’Épinal.
Nous nous sommes posé la question, ou plutôt les questions, la plupart du temps sans avoir de vraies réponses. Il reste donc de nombreux points d’interrogation qui ajoutés les uns aux autres, forment la face cachée de l’Histoire, et quelle histoire !
D’abord, qui était la « maison » Bacri et Busnach, gros commerçants juifs qui avaient leur comptoir à Alger ?
En commençant par l'environnement commercial :
L'événement qui changera de manière définitive et irréversible la destinée du petit village de Livourne, est l'ensablement naturel et progressif de l'unique débouché sur la mer que possédait la République de Pise, l'antique Porto Pisano, déjà connu des Étrusques et des Romains. Pise a donc été forcée de trouver une solution alternative, pour permettre la continuation du trafic maritime et de ses échanges commerciaux. C'est donc sur le petit village de Livourne, qui fut fortifié et équipé, que la République de Pise jeta son dévolu. Au début du XIVe siècle, un phare (appelé « il Fanale ») fut construit et vers la fin du même siècle, une enceinte fortifiée fut élevée tout autour de la ville.
L'essor florissant du port suscita la convoitise des grands voisins de Pise, que sont Gênes et Florence. Avec le déclin de la République de Pise, Livourne changea de main à plusieurs reprises, d'abord avec les Génois, puis avec les Français. C'est finalement sous la domination de Florence que la ville tomba en 1421, pour 100 000 florins d'or. Mais ce qui marqua définitivement le destin de Livourne fut sa transformation en port franc et l'instauration des « Leggi Livornine ».
Au XVIIe siècle, arrivent à la Régence d'Alger les « Juifs Francs », Granas de Livourne (Italie), très engagés dans le commerce maritime en Méditerranée. Ils sont aussi, en partie, d’origine ibérique. Les Livournais exportent de la Régence des denrées agricoles comme le blé ou les agrumes et artisanales comme la soie ou le cuir et y importent d'autres produits agricoles, comme le sucre ou le café, et industriels comme la quincaillerie ou du fer et de l'acier, mais la masse des Juifs continuent de vivre dans la misère.
L'appellation Ashkénaze, Ashkenaze ou Achkenaze désigne les Juifs de l'Europe occidentale, centrale et orientale qui sont d'origine et de langue germaniques par opposition à ceux qui sont originaires d'Espagne et sont dits séfarades (sefardim) et aux Juifs descendant des communautés juives des régions proches et moyen-orientales dit Mizrahim.
Durant la Révolution française, deux négociants juifs originaires de Livourne, Bacri et Busnach, arrivent à nouer une relation privilégiée avec le Dey d’Alger, devenant son conseil financier, et bénéficient de privilèges et monopoles commerciaux qui font leur fortune. Ils fournissent en blé les armées du Directoire vers 1795-1796, sans parvenir à s’en faire régler le prix, sauf de façon partielle sous la Restauration.
Ce conflit commercial connaît de multiples rebondissements plus ou moins dramatiques et empoisonne les relations entre la France et la Régence pendant une trentaine d’années. David Bacri nommé par Napoléon 1er Consul général à Alger est décapité en 1811 par ordre du dey d’Alger. Cet événement est une première étape du conflit entre les Ottomans et les Français.
Finalement, le Dey Hussein, ne pouvant prélever sa part majoritaire sur le produit de la transaction non réglée, convoque le Consul français Deval pour régler les dettes de la France. C’est donc à la suite de ce conflit commercial que surviennent l’affaire du « coup d'éventail », la prise d'Alger et la conquête de l’Algérie.
Maintenant, peut-on faire un audit comptable de la Maison Bacri et Busnach ?
Les interrogations seront exprimées au prochain article :
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