UN GRAND FRANÇAIS ET UN GRAND ALGÉRIEN

Création le 14 janvier 2016

Nous apprenons avec tristesse le décès de Jacques Zermati, un grand Français, tout en étant un grand Algérien. Issu d’une ancienne famille juive de notables de la région de Sétif, il s’est illustré à plusieurs reprises, pendant la seconde guerre mondiale et pendant la guerre d’Algérie.

Déjà son ancêtre Salomon Zermati, ami et confident de l’Émir Abd el-Kader, était porteur d’un message secret à l’attention du Ministre de la Guerre de Louis-Philippe, juste avant le défilé des portes de fer. Lequel ? Nous essaierons de le savoir. Salomon était devenu l’interprète de l’illustre prisonnier de Toulon.

Sa grande tante faisait partie de la délégation de trois jeunes filles de Sétif allée accueillir Napoléon III à Bougie : une chrétienne, une juive, une musulmane. Son grand-père avait acquis la pleine nationalité française à l’occasion du Sénatus Consulte de 1865.

Lors des massacres de Sétif, son oncle, qui se trouvait au marché au bestiaux aux premiers coups de feu, avait été protégé par ses amis musulmans, habillé « à l’indigène », et fortement encadré jusqu’à son domicile pour le protéger de la populace.

Aspirant pendant la seconde guerre mondiale, il avait été blessé et fait prisonnier, évadé. À Sétif, il était entré en résistance, et torturé par la police de Vichy. Pour se rendre utile à la patrie, il était allé à Alger, préparant avec un groupe de patriotes le débarquement des Anglo-Américains, et avait fait prisonnier le préfet d’Alger dans son lit ! Il avait aussi organisé une filière d’exfiltration de volontaires pour grossir les rangs de la division Leclerc en Tunisie. Mieux, il s’était engagé dans les SAS (Spécial Air Service), autrement dit les « Forces Spéciales anglaises », avec parachutage à l’intérieur des lignes allemandes, et sabotages en série.

Pendant la guerre d’Algérie, ami et voisin de Ferhat Abbas, il connaissait la bonne bourgeoisie musulmane de Sétif, au point que la Fédération du Bâtiment d’Alger lui avait demandé d’intervenir dans les négociations avec le FLN, ce que l’Élysée avait refusé. Il était intervenu à de nombreuses reprises auprès du commandement pour alléger les peines de la population sétifienne. En 1962, Ferhat Abbas tentait de le retenir en Algérie en lui proposant un poste officiel d’importance.

Le hasard a fait que nous nous trouvions à côté l’un de l’autre, lors des fêtes de l’indépendance en 1962, ce que nous n’avons appris que cinquante ans plus tard. Il est un des héros d’une véritable histoire de l’Algérie, que les dirigeants algériens actuels n’ont pas très envie de faire enseigner.

Nous avions déjà consacré quelques articles à Jacques Zermati. Nous allons poursuivre par des informations totalement inédites que sa modestie avait occultées jusqu’à ce jour.