MASSINISSA LE GRAND AFRICAIN




Création le 25 juillet 2015

Pendant la deuxième guerre mondiale, Winston Churchill, après la victoire des Alliés en Tunisie, a réuni les membres de leur état-major et les a conduits en un lieu qu’il a indiqué comme celui de la bataille de Zama (mais était-ce vraiment vrai ?) et leur a dit ceci :
- Si les Romains n’avaient pas gagné cette bataille, nous parlerions arabe, nous aurions des grandes barbes et nous serions habillés de longues robes …

Il aurait pu ajouter : Si la cavalerie de Massinissa avait été du côté de Carthage, les Romains n’en auraient pas mené large. En effet, pour compléter leur infanterie, ils utilisaient
en Europe les services des cavaliers germains. Le premier objectif de Scipion l’Africain, avant de débarquer en Afrique, a donc été de persuader Massinissa, qui se battait avec les Carthaginois contre Rome, de changer ses alliances, en échange de la protection romaine. De son côté, ce roi berbère de Cirta (Constantine), en se plaçant du côté des probables vainqueurs, a laissé sa trace dans l’histoire du monde.

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Houaria Khadra-Hadjadji, universitaire algérienne, a brossé un tableau magistral du « Grand Massinissa » dans son livre du même nom. Elle avait déjà mis en valeur Jugurtha :

http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2086%20-%20JUGURTHA


Tout d’abord son interview par BRTV :



https://www.youtube.com/watch?v=jQangdyDXV4

Ensuite un a-parte sur la bataille  de Zama :

La bataille de Zama devait être la « mère des batailles » assurant la suprématie de Rome sur le monde méditerranéen. Le problème était celui de la participation des éléphants de Carthage dont la charge pouvait briser la triple ligne de bataille romaine (triplex acies) et semer la panique dans les rangs des Romains. Tite Live nous dit que l’éducation d’Hannibal avait été de lui inculquer la ruse et le courage. Oui mais, Scipion a également utilisé la ruse dans cette bataille.




L'infanterie romaine se déployait face à l'ennemi et à l'époque de la République, elle se déployait en trois lignes dans une formation appelée « triplex acies », chacune d'entre elle avait généralement huit rangs en profondeur. Les hastati formaient la première ligne (la plus proche de l'ennemi), les principes tenaient la deuxième ligne et les vétérans triarii occupaient la troisième ligne. Ceux-ci empêchaient la panique ou une retraite non autorisée des premiers rangs et étaient parfois utilisés comme réserve dans la bataille. En cas de défaite imminente, les première et deuxième lignes se reformaient derrière la ligne des triarii en vue d'une contre-attaque ou d'une retraite ordonnée. Les vélites étaient les fantassins légers. Ils avançaient en tirailleurs en avant des légions et ouvraient le combat avec leurs armes de jet, avant de se retirer derrière les fantassins mieux armés qu'eux pour le corps-à-corps.

Pour attirer les éléphants, les vélites ont simulé les hastati dans les intervalles élargis de la première ligne. Avant la bataille, leurs camarades y avaient creusé des trous individuels afin d’attaquer au javelot le ventre des éléphants pendant leur charge. Un vrai champ de mines humaines. 


 Quand les éléphants ont chargé, les vélites se sont repliés sur les côtés, laissant le passage  vers le piège, tandis que le corps de bataille romain attaquait les lignes carthaginoise. Le résultat a été à la hauteur du stratagème. Certains cornacs furent même obligés de supprimer à coup de burin leur éléphant qui, fou de douleur se retournaient contre les lignes des mercenaires des Carthaginois.

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S’il n’y avait pas eu les auteurs grecs et surtout romains pour raconter les histoires des peuples qui ont secondé ou combattu le peuple romain, on ne saurait rien de Massinissa. On peut remarquer qu’il en est de même de Vercingétorix. Donc, dans un premier temps, voici l’histoire de Carthage :

Tout d’abord, les Phéniciens ont sillonné la Méditerranée, en créant de nombreux comptoirs. Selon la légende, Carthage fut fondée par Elissa (dont le pseudo ultérieur fut Didon), sœur de Pygmalion, et qui s’était enfuie de Tyr après l’assassinat de son mari par Pygmalion. Elle demanda au roi libyen Hiarbas l’acquisition d’un terrain de l’étendue d’une peau de bœuf. Après accord, elle fit découper la peau en de si fines lanières qu’elle réussit à délimiter un vaste terrain de quatre kilomètres de périmètre. Séduit par les qualités de la dame, Hiarbas la demanda avec insistance en mariage. Fidèle à la mémoire de son mari, elle tenta de se dérober mais en vain ; alors sous prétexte d’accomplir une cérémonie religieuse, elle fit allumer un bûcher sur lequel ce fut elle-même qui monta.


La réalité est assez différente. Carthage (la ville nouvelle) fut une fondation officielle de Tyr, en -814 date traditionnelle généralement retenue même si les réalités du terrain ne concordent pas. À la veille de la première guerre punique Carthage dispose d’une vingtaine de colonies sur la côte de l’Afrique du nord. Elle devenait trop puissante pour ne pas s’opposer à Rome. Cette première guerre punique avait pour enjeu la Sicile, une guerre de 20 ans, de -264 à -241. Rome, puissance terrestre, se convertit à la guerre maritime : les bateaux romains étaient surtout des transports de troupes. Un espion romain découvrit un navire de guerre phénicien échoué en Sicile. Il en envoya les plans à Rome qui construisit la flotte qui gagna la bataille des îles Ægates. Carthage demanda la paix.

Puis Carthage dut faire face à la révolte des mercenaires. Guerre sauvage et sans pitié s’il en fut. Carthage n’avait pas d’armée permanente ; en cas de guerre, elle mettait sur pied des troupes qu’elle licenciait à la fin des hostilités. A la suite de la défaite des îles Ægates, le général Hamilcar Barca dut licencier plus de 20 000 mercenaire, ceci sans que Carthage leur verse leur solde, par manque de liquidités … Les mercenaires armés attendent, inoccupés, à proximité de Carthage ; les esprits s’échauffent, les revendications explosent. Deux chefs se distinguent - Spendios l’italien et Matho le libyen - qui refusent toute négociation. C’est la levée en masse contre Carthage. Hannon dispose d’une centaine d’éléphants qui enfoncent les lignes des mercenaires, mais ceux-ci reviennent à l’attaque. Hannon est remplacé par Hamilcar Barca qui, après une première victoire, est presque encerclé et doit son salut aux 2000 cavalier d’ un prince numide ami de Carthage, Narvals. En reconnaissance, Hamilcar  lui promet sa fille en mariage, que Gustave Flaubert, faute de mieux, nommera Salammbô.

Les chefs des mercenaires décident une guerre sans pitié. Dans les assemblées, si quelqu’un émet le moindre avis contraire, il suffit que quelqu’un crie « Frappe » et l’intervenant est aussitôt mis à mort. Rien de tel pour décourager le suivant. Finalement Carthage prit le dessus au bout de trois ans d’atrocités de part et d’autre, particulièrement avec une abondance de crucifixions. 



 À ce propos, on peut faire état du « tombeau de la chrétienne » un mausolée royal numide, qui n’a sans doute rien à voir avec la construction dédiée à une chrétienne quelconque : l’épouse de Juba II était romaine, roumie, (chrétienne à cause du relief de la croix) , qui peut être interprété comme un signe de puissance numide ou carthaginoise, tel le glaive de la Justice. Les Romains ont importé ensuite la coutume de la crucifixion au Moyen Orient.

Donc Massinissa a du mal à s’installer sur le trône de Numidia, que lui attribue son droit d’aînesse. C’est la guerre. Syphax s’en mêle et fait poursuivre Massinissa qui en réchappe de justesse en se précipitant dans un grand fleuve impétueux. De défaite en défaite, il tente de faire alliance avec Scipion.

La belle et ensorcelleuse Sophonisbe avait été promise à Massinissa. Mais c’est Syphax qui l’épouse. Et en plus elle est chargée d’annoncer aux Romains la déclaration de guerre de Carthage. Et au cours de l’été -204, Scipion débarque au Cap Bon, où il est rejoint par Massinissa et sa cavalerie. Peu soucieux d’affronter des forces supérieures en nombre, il feint de négocier, et au dernier moment, rompt la trêve, fait mettre le feu au meilleur endroit du camp que lui ont indiqué ses espions, et c’est la débâcle des armées de Syphax et d’Hasdrubal. Syphax est maintenant prisonnier de Massinissa, et Sophonisbe, esclave de fraîche date, implore Massinissa, qui se rend à ses charmes et décide de l’épouser pour la soustraire à Scipion, lequel est irrité par ce méli-mélo.

Scission prend pitié de Syphax enchaîné, et lui demande pourquoi il lui avait fait la guerre. Syphax reconnait qu’il a agi comme un insensé, tout cela par la faute de Sophonisbe, maintenant femme de Massinissa. Scission voit le danger. Il tance Massinissa et lui demande de lui livrer Sophonisbe. Plutôt que de la livrer à Rome, Massinissa donne le poison à Sophonisbe. Elle meurt, elle a 18 ans. Corneille en a fait une de ses tragédies. Quant à Scipion, il couvre Massinissa d’honneurs pour qu’il ne sombre pas dans la déprime. Puis le Sénat rend à Massinissa son royaume.



 Synopsis de Sophonisbe :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sophonisbe_%28Corneille%29
 

Consciente des conséquences de ces défaites, Carthage cherche à faire la paix avec Rome, en incriminant Hannibal et en lui demandant de quitter l’Italie. Mais en pleins pourparlers, une flotte de ravitaillement romaine, prise dans une tempête, s’échoue près de Carthage et est pillée par la population. Scipion s’en indigne. Or les Carthaginois tendent une embuscade marine à la délégation romaine. C’est la guerre.

En octobre -202, c’est la bataille de Zama. L’armée punique a 25 000 morts, l’armée romaine 2 500. Hannibal réussit à s’échapper avec une faible escorte. Carthage implore la paix et livrent vaisseaux de guerre, éléphants, prisonniers, déserteurs et esclaves fugitifs. Bien que désarmée, Carthage inquiète les Romains, et Massinissa agrandit son royaume au détriment de Carthage. Rome y envoie une ambassade menée par Caton, qui découvre avec stupeur une cité en pleine renaissance économique et militaire. Carton ne cesse de répéter : « Je suis par ailleurs d’avis qu’il faut détruire Carthage. »

De concession en concession, les sénateurs carthaginois se voient imposer l’ultime condition : la population devra évacuer Carthage, qui sera détruite. Devant cela, Carthage décréte la mobilisation générale, y compris celle des esclaves qui sont déclarés libres. Pendant le siège de Carthage, où se distingue Scipion Emilien, l’armée romaine réussit à prendre pied dans un quartier résidentiel. Fous de rage, les Carthaginois supplicient les prisonniers romains à la vue de leurs camarades. La guerre va devenir inexpiable. Au printemps -146, Scipion lance une dernière offensive. Le tout se termina par un immense incendie, un grand massacre, et l’esclavage de la partie de la population qui s’était rendue.

Le livre se termine par un hommage à Massinissa. Pendant cinquante ans, il fut un roi client de Rome, sans sacrifier sa dignité à cette alliance. Il entretint avec l’aristocratie sénatoriale de vraies relations d’amitié fondées sur l’admiration réciproque, la reconnaissance mutuelle et une claire conscience de leurs intérêts respectifs. Il mourut à l’âge de 90 ans. Divinisé, il fut honoré dans des temples … Un grand honnête homme.