MESSAGER DE L'EMIR
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Salomon Zermati peint par Salomon Assus |
Création le 28 mai 2015
Modification 1 le 11 juin 2017
Modification 2 le 23 octobre 2018 (Les Alains)
Qui est Salomon Zermati ? Un Juif, rabbin et ami de l'Émir Abd el-Kader, qui l'a envoyé porter "en main propre" un important message au ministre de la guerre de Louis-Philippe. Il a pu en recevoir un récépissé, preuve datée de la bonne réception du message :
Ce ne sont pas toujours les personnages célèbres qui sont les plus important dans l'histoire des peuples, ce sont les citoyens de valeur.
Voici la biographie de Salomon Zermati, faite par son arrière arrière petit fils Marcel Benichou :
Salomon Zermati, fils de Moïse et de Mouni Ayache, est déclaré né en 1800, sur le territoire des Béni ben Yacoub, d’une famille de négociants et propriétaires fonciers.
On sait peu de choses de sa jeunesse, sinon, dit la chronique familiale, qu’il fut le compagnon de jeux d’Abd el-Kader. Il l’avait suivi dans ses pérégrinations pendant la première période d’hostilités avec la France, faisant partie, avec sa famille, de la smala, cet ensemble de plusieurs milliers de tentes qui accompagnait l’Émir en campagne.
En août de cette année-là, les relations avec la France connaissaient une période de calme relatif, dans le cadre du « traité de la Tafna » signé en 1837, qui mettait fin aux hostilités. Mais divers contentieux s’accumulaient.
Instruit et parlant français, Salomon fut envoyé par l’Émir en mission à Paris pour remettre un pli au Ministre de la guerre, à l’intention du roi de France. L’objet de cette mission n’a pas été officiellement révélé, mais il ressort de notes françaises de l’époque qu’il s’agissait notamment d’obtenir du gouvernement français l’autorisation d’acheter des armes en France, pour - peut-on présumer - faire tenir tranquilles les tribus encore rebelles.
Une mission secondaire, donnée par la communauté juive d’Algérie, était d’intervenir auprès du gouvernement pour portester contre le traitement des Juifs en Algérie par les autorités françaises.
Salomon arrive à Marseille le 5 août 1839 et loge à Paris rue de Grenelle, chez Monsieur Susanna. Il est reçu par le colonel Max Cerf Berr, directeur du cabinet du ministre, qui lui remet une attestation de la délivrance du pli. Ce colonel était un Juif alsacien qui devint président du Consistoire central et fit ultérieurement carrière en politique.
La mission semble s’être bien déroulée à tous égards : alors que Salomon avait pour consigne d’aller à Londres et de revenir par le Maroc s’il n’obtenait pas satisfaction en France, il retourne directement en Algérie, où, comme le dit avec hauteur sa lettre au ministre annonçant son arrivée à Paris, « ses intérêts l’attendaient ».
Dès le mois de novembre 1839, le ministre de la guerre envoie deux lettres, l’une au ministre des cultes, l’autre, comminatoire au gouverneur général de l’Algérie (le maréchal Valée), demandant de régler l’organisation des cultes la mieux appropriée aux besoins des Juifs d’Algérie.
À son retour en Algérie, Salomon Zermati est emprisonné par les Français. Pourquoi ? Mystère ! Peut-être par ce qu’il s’était plaint aux autorités parisiennes de la conduite des autorités algériennes ; ou plus simplement parce qu’un fidèle d’Abd el-Kader était mieux "à l’ombre".
En 1840, dans le douar des Beni bou Yacoub, sur les hauts plateaux, la jeune épouse de Salomon, Sultana, est tuée (la chronique familiale ajoute à l’acte d’état civil) « d’un coup de sabre lors de l’attaque de la smala par la cavalerie française, puis enterrée au cimetière de Champlain ». Elle laisse trois enfants, dont Judas, mon arrière grand père maternel, qui sont recueillis par les grands parents en l’absence du père.
Salomon, pendant ce temps, était toujours aux mains des Français. Le gardien (ou plus probablement interprète) juif de la prison, un nommé Daene ou Dahan, au courant de son veuvage, lui aurait proposé de le faire évader s’il acceptait d’épouser sa fille. Et Salomon aurait accepté la transaction, et épousé Messaoud, la « fille du geôlier ». Cet épisode tragi-comique est-il une invention de jeunes Zermati irrespectueux ou est-il véridique ? Autre mystère.
Toujours est-il que Salomon survit aux phases guerrières suivantes de la conquête de l’Algérie qui se termine par le cessez-le-feu obtenu par Abd el-Kader et son transfert à Toulon, puis à Pau, puis au château d’Amboise avec sa famille et ses gardes du corps, avec sa libération et son séjour à Paris, où il devint "l’Oriental à la mode", avant de se retirer à Brousse (Bursa en Turquie), puis à Damas, où il engage des correspondances assidues avec le Grand Orient de France.
Selon la famille, Judas, le fils de Salomon, aurait fait le voyage dans la suite de Salomon pour soutenir le maître et ami de son père.
Ensuite, Salomon, marié à Messaoud Dahan, a un fils en 1850, Moïse, mort à 11 ans, et deux filles. Il devient délégué du consistoire d’Alger à Médéa en 1859, et on le suit à travers une suite de contrats signés devant notaire en Algérie, entre 1852 et 1870, témoignant de ses activités de négociant à Médéa dans le domaine de l’immobilier.
En 1852, il entreprend une opération immobilière en vue de la construction du nouveau Théâtre d’Alger. Il a, entre autres, comme associé, Joseph Azoubib, mon arrière grand père paternel. L’opération met en jeu 300 000 francs or.
En 1867, il loue au cercle des officiers de Médéa le local de son ancien bazar.
Après la mort de sa seconde épouse, qui lui a donné une fille « Julia », Salomon convole une troisième fois en justes noces avec Aziza Saffar, comme le montre le contrat de mariage daté de 1869.
En 1870, il se retire des affaires et donne à son fils et associé Judas procuration sur tous ses biens.
En 1871, il quitte Médéa pour Alger, avec sa famille, y compris son petit fils, mon grand père Moïse, âgé de trois ans, qui voyage dans une voiture à chevaux sur les genoux d’une religieuse. Il paraît qu’un lion l’a suivie un moment (la voiture, pas la religieuse).
Il meurt en 1875 à Alger, après s’être fait prendre en photo, habillé à l’ancienne, avec le turban. En 1876, Salomon Assus, dit « Assus le Père », excellent peintre, portraitiste pour les familles juives, et caricaturiste réputé de la presse algéroise, fait un portrait expressif de Salomon, évidemment d’après la photo. Ce portrait est aujourd’hui au MAHJ (Musée d’art et d’histoire du Judaïsme).
Salomon a eu au moins une sœur, Esther, née à Média, mariée à Joseph Chouraaui, patriarche de la nombreuse famille Chouraqui d’Alger.
Salomon et Judas, son fils, avaient d’étroits liens d’amitié ave la famille de Sio Zahar Ali Cherif, proche lui-même d’Abd el-Kader. En 1868, une insurrection éclate à Médéa, peut-être suite à une disette. Les insurgés sont calmés par une distribution de pain organisée par les deux familles.
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Plusieurs interrogations demeurent dont la moindre n’est pas l’ignorance où l’on est de l’origine du nom de Zermati. Les spécialistes renvoie à une tribu berbères, les Zlamti, ce qui ne résout pas nécessairement le problème.
Yves-Max, le frère de Philippe Danan, a avancé une hypothèse qui n’est pas si stupide que cela. Zermati viendrait de Sarmate. Au IV ème siècle, les Vandales envahirent la côte de la Numidia, jusqu’à Carthage. On dit « Les Vandales » car il s’agissait principalement de tribus originaires des bords du Danube s’étant déplacées à travers l’Europe occidentale jusqu’en Espagne, où ils furent mal reçus par les Wisigoths, d’où leur embarquement pour l’Afrique.
Ce qu’on dit moins, c’est qu’environ le quart des tribus étaient composé d’Alains, peuple issu des bords de la Mer Noire, et très proches des Sarmates. On peut imaginer un soldat sarmate blessé dans un combat sur la route de Carthage et recueilli par une famille berbère où il fut surnommé « le Sarmate » d’où Sarmati puisque le i final est chez de nombreux peuples le signe de l’origine ethnique …
En revanche, un mystère a été éclairci cent ans après la prise de la Smala par le duc d’Aumale. Selon la tradition orale, Salomon y avait perdu un Talmud médiéval illustré que la famille pensait volé ou détruit.
Vers le milieu du XX ème siècle, Paulette Zermati, sœur de Pierre Zermati, fut avisée par une ancienne condisciple de la faculté de droit, que l’ancêtre de son employeur notaire avait été exécuteur testamentaire de Monsieur Osiris, célèbre banquier et mécène juif du XIX ème siècle. Le testament racontait que Monsieur Osiris, ayant appris l’existence dans les « prises de guerre » du duc d’Aumale, d’un vieux Talmud, avait demandé au duc de le lui vendre. Le duc répondit avec élégance qu’un livre religieux ne se vendait pas, et il l’offrit. Dans son testament, Monsieur Osiris demandait que le Talmud fut remis à la grande synagogue de Paris, rue de la Victoire. Quand on sait la taille du Talmud, il est douteux qu’il y ait eu dans la smala, un autre exemplaire que celui de Salomon…
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Le MAHJ |