JUGURTHA




 Création le 29 octobre 2014
Modification 3  le 9 janvier 2016 (en fin d'article)

Pas plus que les Gaulois, les Numides n'étaient écrivassiers. Vercingétorix doit sa notoriété à Jules César, Jugurtha doit la sienne à Caïus Salluste, un protégé de Jules César. Préteur en 47 avant Jésus Christ, Salluste accompagne César en Afrique, et reçoit le commandement de la nouvelle province de Numidie. D'où son intérêt pour l'aventure de Jugurtha.

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Démonstration de la formation dite "la tortue"
 Les Romains n'étaient pas tendres pour leurs ennemis. Après l'anéantissement de la puissance carthaginoise (bataille de Zama, 202 avant J.-C.), Rome s'empara des possessions puniques en Espagne puis entreprit la conquête de la péninsule. La résistance ibérique fortifia la ville de Numance. Les Romains n'eurent de cesse que Numance ne soit détruit. 

18 années de lutte firent de Numance l'un des symboles de la résistance à Rome. Cette succession d'humiliations décida alors Rome à envoyer son meilleur soldat, Scipion Émilien, dont le grand-père, vainqueur de Carthage (146 avant J.-C.), avait été surnommé Scipion l'Africain. Or Massinissa, roi de Numidie avait fait alliance avec Scipion l'Africain contre les Carthaginois dont son ennemi Syphax était l'allié.


Ruines de Numance

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Haouaria Kadra est une historienne algérienne qui s'est passionnée pour la Berbérie antique et qui a su "mettre en musique" le récit de Salluste (Guerre de Jugurtha), qui commence ainsi :

"L'homme a tort de se plaindre de sa nature, sous prétexte que, faible et très limitée dans sa durée, elle est régie par le hasard plutôt que par la vertu. Au contraire, en réfléchissant bien, on ne saurait trouver rien de plus grand, de plus éminent, et on reconnaîtrait que ce qui manque à la nature humaine, c'est bien plutôt l'activité que la force ou le temps. La vie de l'homme est guidée et dominée par l'âme …"

http://remacle.org/bloodwolf/historiens/salluste/jugurtha.htm

Haouaria Kadra, dans son activité de collecter toutes les informations environnant l'histoire de son personnage Jugurtha, a réussi un excellent livre " Jugurtha - Un Berbère contre Rome", exactement le genre de livre que nous aimons.



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Petit-fils de Massinissa, mais enfant naturel du prince Mastanabal, Jugurtha n'avait pas vocation à régner sur la Numidie. Pour faire plaisir à Rome, le roi Micipsa l'adopte, ce qui le rend éligible ! Mais pour compléter l'effet de bascule, il l'envoie commander le contingent humide allié de Rome dans sa guerre contre Numance, avec l'espoir secret que l'intrépidité de Jugurtha causera sa perte. En effet le jeune homme ambitieux risquait de faire ombrage aux trois fils de Micipsa, qui, eux, étaient destinés à régner.

C'est la cata ! Non seulement Jugurtha réussit brillamment, mais de plus devient le protégé de Scipion Émilien qui commande la dernière expédition victorieuse. Alors, Jugurtha se fait beaucoup d'amis à Rome, mais hélas il pense jouer au plus fin en voulant les acheter pour qu'ils approuvent sa manière de prendre le pouvoir en Numidie. Et pourtant Scipion l'avait mis en garde :" il accéderait au pouvoir en cultivant l'amitié du peuple romain et non celle de particuliers dont il faudrait acheter les concours. S'il persévérait dans sa belle conduite, et la gloire et le trône lui viendraient spontanément ; s'il voulait aller trop vite, son argent même le précipiterait à la ruine."

L'un des prétendants au trône meurt ; il en reste deux : Adherbal et Hiempsal. Dans son testament, Micipsa ajoute Jugurtha comme le troisième héritier. Jugurtha estime que les deux autres lui ont manqué de respect : dans un premier temps, il fait assassiner Hiempsal, tout simplement en se procurant un double des clefs de sa maison, et en y envoyant ses "forces spéciales".

Adherbal se plaint à Rome de la laideur du procédé, tout en craignant à juste titre d'être le suivant sur la liste. Grâce au "lobbying" de Jugurtha, Rome se montre bonne fille et partage la Numidie en deux. Dans le partage, la partie de la Numidie, voisine de la Mauritanie, plus riche et plus peuplée, est attribuée à Jugurtha ; le reste, qui avait plus d'aspect que de valeur propre, avec des ports plus nombreux et de beaux édifices, est le lot d'Adherbal.

Les choses auraient pu en rester là. Que nenni : Jugurtha décide alors de s'emparer de la part d'Adherbal. Ce qu'il réussit à faire. Exit Adherbal ad patres. Mais pour Rome, c'en est trop. Autant pour l'affaire précédente, c'était une histoire entre Numides, autant pour celle-ci, l'autorité de l'arbitrage de Rome est en jeu. Et Jugurtha pouvait, en prime, tenter de marcher dans les pas d'Hannibal, cauchemar de Rome. Enfin, la corruption de bon nombre de notables romains finit par faire très mauvais effet. Rome décide donc de punir Jugurtha en le dépossédant de son royaume mal acquis, et, pour cela, lance une expédition en Numidie.

Les soldats romains, mal commandés, se révèlent totalement inefficaces. On change de commandement, ce sera Metellus, qui n'arrive pas à bout de Jugurtha et de ses Numides. On change encore de commandement, ce sera Marius, un guerrier de métier qui rétablit la discipline vite fait bien fait, mais qui ne vient pas à bout aussi vite que souhaité. On change enfin de commandement, ce sera Sylla, qui choisit  d'approcher Bocchus, roi de Maurétanie, plus ou moins allié de Jugurtha, cela dépend des jours. Bocchus, dont une des filles est mariée à Jugurtha, se décide enfin à trahir son gendre, et l'affaire se termine tout simplement ainsi par la capture inattendue de Jugurtha et sa livraison à Rome.


C'est enfin le "triomphe" de Marius à Rome, très bien décrit par Haouaria Kadra.


Capture de Jugurtha (par Joachim Ibarra)

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Pour n'avoir pas compris les vraies raisons de la puissance de Rome,  Jugurtha termine sa vie à 50 ans, étranglé dans un cul de basse-fosse de Rome, le Tullianum … Comme Vercingétorix !

Cette puissance de Rome a inspiré  à Joachim Du Bellay les vers suivants :


"Rome seule pouvait à Rome ressembler,
Rome seule pouvait Rome faire trembler"


Pour les Maghrébins, Jugurtha est une figure de légende, symbole de la résistance à l'invasion étrangère. Notre vision est légèrement différente : Jugurtha, tacticien exceptionnel, mais médiocre stratège, aurait pu, s'il avait poursuivi l'œuvre de son grand-père Massinissa, être le fondateur d'un grand Empire numide, associé à l'Empire romain. Cela eut changé bien des choses, mais ceci est une autre histoire.


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Précision de Haouaria Kadra :

Jugurtha a été réédité en Algérie en 2013 chez Barzakh, ce qui implique qu'il coûte beaucoup moins cher, 750 DA.

Une occasion d'aller faire un petit tour en Algérie ? 

Ou alors à Rome ? (Extrait  d'El Watan du 26 novembre 2015 -
Aïd Gada) :

Le Colisée est aujourd’hui, l’image référence de la capitale italienne vers lequel convergent des centaines de touristes par jour. Sa construction, juste à l'est du Forum Romain fait de ces lieux le cœur de Rome, antique et même actuelle. C’est dans cet endroit où se trouve le Tullianum, la prison romaine où le roi Jugurtha avait péri.

Pour s’y rendre, il faudrait longer le boulevard qui va du Colisée vers l’ouest, où accéder par le Forum, où gisent de grosses pierres, au milieu d’herbes folles et sèches et qui se sont détachées des gros murs dont il ne reste que la base pour certains. Les agents d’accueil ne connaissent pas la prison de Jugurtha.

Il fallait demander le Mamertinum ou le Tullianum. L’imposant immeuble, en cours de rénovation, situé à proximité de l’église San Guiseppe Dei Falegnami,  est bien connu. Une peinture de couleur ocre recouvre les murs.

C’est évident, le bâtiment est en travaux, tout comme le Forum dans son ensemble qui est en chantier. Les fouilles archéologiques se suivent à un rythme ininterrompu. Devant le Tullianum, une grille métallique empêche l’accès. Un sobre écriteau annonce la fermeture du bâtiment pour travaux. Les touristes qui arrivent sur les lieux sont déçus. Cette fois-ci, on n’aura pas l’opportunité de pénétrer dans ce profond et lugubre endroit.  L’entrée est en tout cas payante.
On pourrait s’engouffrer dans les méandres de cette prison, avec des murs si épais que l’on a l’impression qu’ils vont tomber sur nos têtes. Par endroits, il faut s’incliner d’un côté pour pouvoir avancer.

C'est dans cette prison que le roi berbère Jugurtha a été détenu avant d'être exécuté vers 104 avant J.-C. Pour le touriste, c’est un musée à visiter, une galerie à voir. Pour Jugurtha, c’était un abominable lieu de supplices qu’il rejoignit, attaché avec des fers lourds, enchainé à des chars de l’époque, subissant des humiliations dans la longue marche dans Rome lors de la parade triomphale de Caius Marius, général et homme d’Etat romain (157 av. J.-C -86 av. J.-C).
Ci-git Jugurtha
Les portes de l’enfer s’étaient ouvertes pour se refermer sur Jugurtha à jamais. Il mourut après six jours de torture, les lobes de ses oreilles lui avaient été arrachés. Sur le plancher demeure encore la trappe métallique de forme circulaire et de près de 50 cm de diamètre, avec d’épaisses traverses de couleur brunâtre, et au fond un cachot humide où mourut le roi berbère.
 
L’histoire de cette prison remonte au VIIe siècle av. J.-C. Elle avait été creusée sous le règne d'Ancus Marcius, roi de la Rome Antique de 641 à 616 av. J. C, puis agrandie par le roi Servius Tullius, qui aurait régné de 575 à 535 av. J.-C, qui laissa son nom, Tullianum. Elle fut encore agrandie au Moyen Âge et porte le nom de prison Mamertine. C'est une prison souterraine à deux étages.
Citant Caius Sallustius Crispus ou Salluste (octobre 86 av. J.-C- mai 35 av. J.-C.), homme politique, militaire et historien, Haouaria Kadra-Hadjadj dans son livre Jugurtha. Un Berbère contre Rome (Barzakh 2013) décrit en page 195  ce cachot inondé, sans air et lumière : «Il y a dans la prison, quand on monte, un peu sur la gauche, un endroit nommé le Tullianum, enfoncé d’environ douze pieds (trois mètres et demi) sous terre. Il est de tous côtés fermé par des murs et couvert d’une voûte en pierres de taille ; la saleté, l’obscurité, l’odeur lui donnent un aspect sinistre et terrifiant». Jugurtha, né en 160 av. J.-C. et mort en 104 avant J.-C. dans cette prison, s’oppose durant sept ans à la puissance romaine, entre 111 av. J.-C. et 105 av. J.-C.
 
Ce petit-fils du roi numide, Massinissa qui fut un grand allié de Rome durant les guerres puniques, est envoyé en Espagne (Hispanie à l’époque) pour combattre avec les troupes de l’armée romaine et fait preuve de bravoure et de combativité. La guerre de Jugurtha, (111 av. JC-104 av. J.C) comme la guère de Libération nationale (1954-1962) ont toutes les deux duré sept ans. L’une comme l’autre ont connu des faits d’armes héroïques,  mais aussi des intrigues, des revirements, des souffrances mais surtout la trahison. Jugurtha avait été capturé et livré à Rome par Bocchus, son beau-père, roi de Maurétanie.
 
Des siècles plus tard, à l’intérieur du Tullianum, il ne reste que la mémoire. Du moins pour ceux qui veulent l’entretenir. Il n’y a point de traces de Jugurtha, ni de plaques qui puissent signaler  une quelconque référence au roi numide. L’Algérie tourne le dos à l’histoire. Quant à Rome, elle continue de tirer profit de la prison du roi numide. Le visiteur devra s’acquitter de 10 euros pour entrer dans cet orifice de triste mémoire. 

Le Tullianum

C'était une prison souterraine à deux étages. Selon l'historien Salluste : « Elle contient une salle basse, nommée Tullianum, qui s'enfonce à douze pieds sous terre. Elle est fermée de murs épais et couverte d'une voûte de pierre. C'est un cachot malpropre, obscur, infect, dont l'aspect a quelque chose d'effrayant et d’horrible. »

Ce lieu ne servait pas seulement de lieu de détention, mais aussi d'exécution. Jugurtha et Séjan y furent incarcérés. Cicéron y fit exécuter les complices de Catilina. Si Vercingétorix y resta six ans avant d'être exécuté pendant le triomphe de César, la plupart des prisonniers ne restaient pas longtemps dans cette prison et étaient exécutés au bout de quelques mois.

Enluminure : Salluste au sujet de la guerre de Jugurtha