LES ARCHIVES INÉDITES DE LA POLITIQUE ALGÉRIENNE
Modification 4 le 2 octobre 2014
PROLOGUE
Qui est Maurice Faivre ?
- D'abord un général français.
Son auto-biographie succincte :
Ayant servi 3 ans au Maroc et 5 ans en guerre d’Algérie, j’ai poursuivi ensuite des recherches de renseignement militaire sur l’armée soviétique, ai soutenu en 1986 une thèse de doctorat en science politico-militaire, et ai participé en 1988 à la fondation de l’Institut de la désinformation.
Mes recherches historiques, à partir de 1989, ont porté sur la guerre d’Algérie, après consultation de centaines de documents d’archives militaires, diplomatiques et sociales, obtenues par dérogation, et qui m’ont permis de publier 9 livres, de participer à 8 ouvrages collectifs et de rédiger tous les ans des dizaines d’articles. Mes travaux ont été reconnus par la Commission française d’Histoire militaire (CFHM) qui m’a élu vice-président.
J’entretiens des relations suivies avec des historiens qui apprécient mon objectivité (J.Frémeaux, D.Lefeuvre, JP Brunet, M.Renard, M.Vaisse, J.Valette, Ph.Conrad, JJ Jordi, R.Vétillard, J.Monneret). Guy Pervillé me cite une trentaine de fois dans son ouvrage de référence sur l’histoire de la guerre d’Algérie. En revanche, il m’arrive de critiquer des auteurs qui commettent des erreurs factuelles ou font preuve de partialité ...
- Ensuite un historien objectif de très grande qualité.
Son site :
http://general-faivre.fr/
Son interview dans la nouvelle Revue d'Histoire
notrejournal.info/IMG/pdf/nrh_no68_faivre.pdf?956/...
- En dernier mais non le moindre :
Un ami de vingt ans et le préfacier de notre livre "Quand le merle sifflera", dont l'édition est épuisée, mais dont une poignée d'exemplaires est encore en vente - à moitié prix - sur un site dont le nom est celui d'un grand fleuve de l'Amérique du Sud, et que nous recommandons à tous les universitaires "spécialistes" de la guerre d'Algérie.
Depuis l'an 2000, date de la parution du livre de Maurice Faivre "Les archives inédites de la politique algérienne", nous avons plusieurs fois reposé le livre sur la table en nous demandant comment en faire la recension sans tomber dans le travers de la polémique politique ; or la politique n'est pas l'objet de notre site. Mais les conséquences stratégiques de ce qui s'est passé alors - et/ou de ce qui ne s'est pas passé - sont incalculables, d'abord pour l'avenir de l'Algérie, ensuite pour les relations entre les sociétés civiles du nord et du sud de la Méditerranée, enfin pour la paix mondiale suite à l'ascension fulgurante de l'islamisme.
Le thème stratégique est le suivant : comment transformer l'Algérie, qui est en fait une "annexe" de la France, en un État souverain, ami de la France ? Jusqu'en 1958, la politique française bute sur une contradiction : un million d'Européens, en majorité Français, ont fait de l'Algérie un pays moderne, tandis que huit millions d'Algériens de souche, tout en y ayant participé, volontairement ou non, n'ont pas majoritairement souhaité être Français, ou ne souhaitent pas l'être.
La chaîne infernale terrorisme/répression se déroule jusqu'en mai 1958, alors que la société civile de souche n'est pas encore tout à fait en mesure de participer efficacement à la gestion politique, économique et sociale de l'Algérie.
Le général de Gaulle profite de la fraternisation de 1958 pour arriver au pouvoir en Métropole. Le moins qu'on puisse dire qu'il n'est pas pro-arabe. Il ne veut pas que "Colombey les deux églises devienne Colombey les deux Mosquées" ! De l'autre côté, les nationalistes algériens - dont les motivations profondes de leurs "ultras" sont de prendre le pouvoir et de chasser les Français - ont des prétentions "irréductibles" : tout est donc prêt, soit pour une cohabitation à l'amiable, soit pour un divorce dans la fureur.
Du "Je vous ai compris" au "dégagement", si les paroles volent, les écrits restent (verba volant, scripts manent). Le dépouillement de très nombreuses archives militaires inédites côté français par Maurice Faivre éclaire les bonnes et les mauvaises raisons de la "politique algérienne".
Ce n'est pas le jeu des cinq erreurs, mais celui des cinq mille erreurs. On pourrait attendre avec intérêt le même effort de clarification de la partie algérienne !
On pourra aussi consulter avec le plus grand intérêt le site "Algérie française" sur Wikipedia. Il y en a pour plusieurs heures de lecture attentive et instructive :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alg%C3%A9rie_fran%C3%A7aise
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Le livre de Maurice Faivre est divisé en deux parties égales : deux cents pages de thèmes d'analyse, avec commentaires et citations, et deux cents pages de textes d'archives officielles sur lesquels s'appuie la première partie, laquelle est précédée de la liste des entités officielles qui ont nourri ces archives.
Les archives des Barbouzes ne font pas l'objet d'un chapitre. Mais que le lecteur se rassure, le nombre de perles que dévoile Maurice Faivre fait un très beau collier à la statue de Marianne.
Donc, cette première partie est divisée en chapitres, et nous allons suivre l'auteur, chapitre par chapitre.
1 - LE COMITÉ DES AFFAIRES ALGÉRIENNES
Le plus court : 4 pages. Après un bref rappel de la situation internationale et son évolution en Algérie, le Comité des Affaires Algériennes est créé par décret du 13 février 1960. Sa création a pour objet de traiter les questions courantes relatives à l'actualité, mais aussi de retirer au Premier Ministre une partie de ses attributions dans la conduite de la politique algérienne. Michel Debré sera dix mois plus tard dessaisi du dossier algérien.
"Les décisions du Comité semblent rédigées dans l'urgence, en vue d'une application rapide".
Manifestement, il s'agissait de diviser pour régner, alors que la logique stratégique commandait d'avoir un pouvoir de décision fort.
2 - POUVOIR MILITAIRE ET POUVOIR CIVIL
En temps de guerre, il est important de savoir qui fait quoi. En temps de guerre "révolutionnaire" où l'objectif est de soumettre la population, c'est fondamental, car les "lois" de la guerre traditionnelle ne s'appliquent plus.
Au début de la guerre d'Algérie, "l'autorité civile" est responsable du maintien de l'ordre. Le problème est que cette responsabilité est de nature politique et non administrative. "Le 1 juillet 1955, une instruction précise que l'autorité civile a la direction et la responsabilité des opérations", et que le choix des moyens et l'imitative de la riposte est laissée au commandement militaire.
Le 12 juin 1956, le parlement vote les pouvoirs spéciaux . Premier glissement : le rétablissement de l'ordre est maintenant confié à la Gendarmerie et à la Police, aux ordre de qui l'Armée est subordonnée. Deuxième glissement, le 15 août 1956, dans toute l'Algérie, les commandants de secteur exercent la responsabilité du maintien de l'ordre …
Mais la décision d'arraisonner l'avion des "chefs historiques" du FLN est prise par Max Lejeune, Secrétaire d'État à la Guerre, lequel met tout le monde devant le fait accompli.
La bataille d'Alger constitue un nouvel épisode de dessaisissement des autorités civiles (arrêté du 8 janvier 1957). Le général Ely est partisan d'une solution large et libérale et d'un statut fédéral, il estime que l'action doit être conduite au niveau le plus haut, celui du gouvernement. "En novembre, il demande que des civils plus nombreux soient affectés en Algérie pour remplir des responsabilités administratives et politiques. Faute de réelle volonté politique, cette demande risque de n'être qu'un vœu pieux." (On peut alors estimer que les carottes sont cuites, selon un dicton populaire).
C'est au soir du 13 mai 1958 que l'unité de commandement et d'action passe en totalité aux mains des militaires. Le moment n'est plus à la paix, mais à la guerre. On se remémorera les affirmations péremptoire de François Mitterand, lorsqu'il était Ministre de l'Intérieur : "L'Algérie, c'est la France" et "La seule négociation, c'est la guerre".
3 - MAINTIEN DE L'ORDRE ET RÉPRESSION
Le maintien de l'ordre passe des mains de la police à celle de l'armée, d'abord dans le bled, puis dans les villes, pendant que la répression du terrorisme aveugle et barbare du FLN est conduite de plus en plus brutalement. "Tous les fellaghas pris les armes à la main seront châtiés".
Par ailleurs les Dispositifs Opérationnels de Protection (DOP) sont créés, puis leur appellation est abandonnée, suite à une campagne de presse du FLN qui lui aura coûté trois millions de francs, selon Belkacem Krim. En 1960, lors de l'affaire des barricades, le général de Gaulle répond au général Ely qui voulait négocier leur démantèlement : "Ne pas faire couler le sang ! Avec tout le sang qui a déjà coulé en Algérie, qu'est-ce que cela peut faire …"
Par ailleurs, l'emploi de la torture a été reconnu comme le moindre mal en réponse aux crimes des terroristes. Ainsi la torture est couverte par le silence protecteur des autorités civiles et militaires. Mais les tortures infligées par le FLN sont rarement évoquées, telles celles, bestiales, infligées par Amirouche, ou mieux celles encore pires infligées aux Harkis après le "cessez-le-feu". Le rapport Béteille cite "le terrorisme ne connait pas de quartier. Par nature il frappe même les innocents. Le fellagha tuent pour tuer, pillent, incendient, égorgent, violent, écrasent contre les murs les têtes des enfants, éventrent les femmes, émasculent les hommes."
Mais aussi les avocats du FLN incitent leurs clients à dire avoir été torturé … sans trop donner de détails qui risqueraient les faire se couper. Dans ce genre de guerre, tous les moyens sont bons (ou plutôt tous les moyens sont mauvais).
Nous ne pouvons que suggérer l'écoute du discours du 4 novembre 1960, qui eut été excellent, quoique tardif, s'il s'était adressé à un public stratégiquement mature et s'il avait été précédé d'une action psychologique profonde. Pour faire dans le militaire, ce discours peut être comparé à une attaque sans préparation d'artillerie : vouée à l'échec.
Hélas, hélas, hélas ! Les réactions conduiront droit à la décennie noire qui n'en finit plus de finir pour les un, et à l'exil - situation d’une personne forcée de vivre hors d’un lieu, généralement sa patrie -, mais un exil sous forme d'exode - émigration massive d’un peuple - pour les autres.
http://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00216/allocution-du-4-novembre-1960.html
À l'annonce du voyage du Chef de l'État faisant suite à ce discours, le général Crépin s'est écrié "Mais c'est de la folie ! Comment vais-je maintenir l'ordre ?" tandis que se dérouleront dans les villes d'Algérie de violentes manifestations européennes et surtout musulmanes.
Enfin la "civilisation" de la répression est interprétée par le FLN comme un signe de faiblesse et un préalable à leur reconnaissance politique. Celui-ci est l'instigateur des manifestations du 1 et du 5 juillet 2001, visant à protester contre le "ballon d'essai" de la partition irréaliste de l'Algérie.
Les positions se radicalisant, c'est maintenant la priorité gouvernementale à la lutte contre les putschistes et l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète), puis beaucoup de temps passé à matérialiser l'utopie qu'a été la Force Locale, ou à (laisser se) mettre en place les Barbouzes.
Le général de Gaulle devient partisan d'intensifier la guerre civile contre l'OAS. La mésentente entre civils et militaires s'accroit. Il faut l'intervention du général Olié, qui a succédé au général Ely pour annuler des directives déraisonnables. En décembre 1961, la Sureté nationale fait état d'une attaque prochaine du Rocher Noir (Résidence secondaire du Gouvernement Général - actuellement Boumerdès) par 20 000 activistes. Jean Morin s'affole, il demande l'appareillage de la flotte de Toulon. Ailleret garde son calme et fait annuler cette demande.
Le Préfet d'Oran, dans son rapport du 3 février 1962, écrit que "le redoublement des attentats du FLN est la cause première de la violente réaction des Européens … Les musulmans ont la prétention de chasser les israélites des quartiers où ils habitent … Les commandos du FLN pourchassés dans le bled se réfugient dans les villes où ils font régner la terreur."
Contrairement à ce qu'écrit le général Katz (responsable militaire à Oran) dans ses mémoires, le général de Gaulle est tenu au courant de l'aggravation de la situation. Le FLN multiplie dans les villes les enlèvements d'Européens. Même si l'OAS est éliminée, le gouvernement n'a plus en main la situation, que les vents mauvais emportent. Conclusion du général de Gaulle :"Il n'y a plus ni gouvernement, ni autorité locale, il y a même plusieurs ALN. Les militaires peuvent accorder leur concours, mais avec prudence, ou intervenir en cas de désordres contre les Français. Si la situation s'aggrave, protéger le regroupement des Français et au besoin leur embarquement."
La réunion du 16 novembre du Conseil des Affaires Algériennes est celle du désenchantement et de la désillusion. Le général de Gaulle conclut : "le dégagement est la règle d'or … les européens ne seraient que des souffre-douleur … Il faut ramener l'armée le plus vite possible, nous en avons besoin et ils n'ont plus rien à faire."
Sombre bilan.
4 - LA FORCE LOCALE ET LES AUXILIAIRES DE POLICE
Ce chapitre a déjà été traité dans l'article :
http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2063%20-%20LA%20FORCE%20LOCALE
5 - ACTION POLITIQUE ET INFORMATION
Dès 1956, l'ALN se convainquit très vite de la nécessité d'organiser une guerre psychologique fondée essentiellement sur une propagande offensive. Les thèmes classique étaient : le pillage des richesses de l'Algérie par les colons, les méfaits de l'occupant, la révolution sociale et agraire, l'unité arabe, mais aussi la guerre microbienne des Français, la stérilisation des femmes, la déportation des immigrés, l'extermination par la famine des regroupements.
Le massacre de Melouza est attribué à l'armée française ; dès juillet 1959, le million de martyrs est célébré. Mieux : le 3 juin 1963, Ahmed Ben Bella déclare à la presse : "Nous avons pardonné aux anciens harkis, leurs assassins seront arrêtés et exécutés" ! (Et même Ferhat Abbas raconte dans un de ses livres que c'est la France qui aurait demandé de gracier les assassins des Européens d'Oran).
Les officiers des SAS et des sous-quartiers s'efforcent d'inculquer la foi dans une Algérie nouvelle à la population musulmane dont, selon le général Ely, ils sont les seuls à avoir le contact. Mais les excès de la répression, exploités par le FLN et ses soutiens médiatiques, sont contre-productifs dans l'opinion métropolitaine et internationale. La plupart des tentatives de 3ème force : Action kabyle, affaires Kobus, Bellounis, Si Salah et in fine Front algérien d'action démocratique, ont échoué en raison de l'insuffisance de renseignement sur les acteurs ou l'absence de volonté publique au sommet.
Les Comités de Salut Public constituent une de ces tentatives de troisième force. La fraternisation a suscité un moment d'espoir dans une partie de la population musulmane et a constitué pour les colons une sorte de nuit du 4 août. Vous pourrez consulter à ce propos notre article :
http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2023%20-%20FRATERNISATION%20DE%201958
Le colonel Trinquier d'ajouter : "Pour ma part j'avais toujours été gêné de cette sous-citoyenneté des Algériens de souche." Et dans Le Monde du 13 septembre 1958 Jean Lacouture témoigne : "Dans cette zone que j'ai sillonnée de poste en poste, l'action menée par quelques officiers et leurs hommes m'a parue en tout état de cause positive et fructueuse, quelque puisse être demain le statut de l'Algérie : intégrée, indépendante, partagée ou fédérée … Ce que l'armée est en train de faire ressemble à un travail révolutionnaire."
Mais le général de Gaulle suit son idée : le général Guillaumat reçoit l'ordre d'éliminer "les gens du 13 mai" ;
le général Salan est prié de rappeler les personnalités "anti-libérales" qu'il a fait expulser en mai. De Gaulle propose le 15 novembre une action psychologique "Ne pourrait-on provoquer des ralliements d'une façon ou d'une autre, en les payant si besoin est ?" Cette suggestion puérile ne recueille pas un large assentiment (page 86).
Et il n'est pas question d'agir sur les Européens. Ni sur l'armée : le discours du 4 novembre évoquant la "République algérienne qui existera un jour" provoque la stupeur des responsables politiques. Le général Ely rend compte à De Gaulle l'incompréhension totale des généraux d'Algérie : "Je suis tombé sur un mur. L'armée est disciplinée, elle tiendra. Je suis obligé de vous le dire, il y a une nette régression de la confiance de l'armée en vous."
Le FLN estime que les manifestations de décembre baptisées "journées glorieuses" furent à l'origine de la décision du général de Gaulle d'accorder l'indépendance à l'Algérie. Le général Crépin confirme que le changement de la politique gaulliste se situe à cette époque. La politique d'Algérie algérienne avec ou sans la participation du FLN est poursuivie pendant tout l'été 1961. Les rapports sur le moral expriment le découragement des officiers ; les rapports des préfets font état de la prise en main des populations urbaines par le FLN. Le résultat sera accablant : Boumediene, après son coup d'État de 1965 a condamné en termes définitifs la gestion de Ben Bella :"Amour morbide du pouvoir, intrigues traquées dans l'ombre, improvisation, irresponsabilité, mystification et illusionnisme démagogiques."
Pour en finir avec ce chapitre, le général Faivre cite Salluste dans le Bellum Jugurthinum :"Quand la foule, suivant son ordinaire, surtout chez les Numides, elle était de caractère changeant, amie de la sédition et de la discorde, désireuse de nouveauté, ennemie de la paix et du repos".
Salluste, si tu nous lis !
6 - NÉGOCIATIONS - CESSEZ-LE-FEU, GARANTIE ET COOPÉRATION
Des tentatives avortées de négociation ont été faites avant celle de 1960. Toujours sur l'initiative du gouvernement français, jamais sur celle du FLN, qui porte donc une sérieuse responsabilité en ce qui concerne la durée du drame algérien.
En mars 1956, Nasser avait promis au Ministre Pineau d'arrêter le soutien en armes de la rébellion avec un début de négociation par l'intermédiaire du bachagha Boutaleb, mais on découvre une cache d'armes au domicile du bachagha …
D'autres négociations sont engagée par des membres de la SFIO, sur la base d'une solution envisagée par Mohammed V et Bourguiba : une confédération maghrébine liée à la France en certains domaines, mais l'arraisonnement de l'avion Rabat-Tunis fait échouer cette tentative.
Le 9 janvier 1957, face au triptyque proposé par Guy Mollet : cessez-le-feu, élections, négociations, selon Bruno Etienne, le FLN refuse d'envisager d'éventuels problèmes de minorité et de dissocier le Sahara.
Dès 1956 le général de Gaulle déclare à diverses personnalités internationales qu'il est favorable à un règlement négocié. Il prend contact avec la Tunisie par l'intermédiaire d'un grossiste en tissu, se rendant fréquemment en Tunisie et partisan d'une solution fédérale. Celui-ci sera assassiné par le FLN après l'indépendance.
En 1959, George Pompidou prend à Alger des contacts sans suite. Une rencontre entre Antoine Pinay et Ferhat Abbas n'aura elle non plus pas de suite. Constamment le FLN veut l'indépendance pour lui seul, tout en gardant ses armes. C'est donc bien le pouvoir absolu qui l'intéresse.
La "paix des braves" proposée par le Général de Gaulle se heurte encore à un refus rehaussé en ce qui concerne Amirouche par l'exécution, après d'horribles tortures, de 2 500 djoundi. L'affaire Si Salah est un échec de plus.
Et une longue partie de poker menteur commence à Melun, Lucerne, Evian, Lugrin, Les Rousses, Evian enfin. Les positions françaises s'alignent progressivement sur celles des négociateurs du FLN. Il est intéressant de constater qu'à aucun moment le sort des musulmans fidèles à la France (harkis et assimilés) n'est évoqué. Aucune réponse n'est donnée à la demande française concernant les prisonniers détenus par le FLN.
Nous ajoutons qu'aucune disposition de rétorsion n'est envisagée contre les Algériens anti-français résidant en France, ils peuvent donc garder leurs armes et ne pas être renvoyés le cas échéant en Algérie … Mieux, la délégation du FLN n'est ni mandatée par le GPRA, ni par le CNRA. Belkacem Krim est amené à signer le document à titre personnel pour rendre valable l'accord de cessez-le-feu par la délégation française, qui, elle, est mandatée. Comme l'a écrit Pierre Messmer trente ans plus tard, "on peut se demander si du côté français cette confiance en la sincérité des Algériens ne reposait pas sur une illusion."
Bien entendu ces "accords" n'ont jamais été entérinés par les autorités algériennes. Mieux, cinquante deux ans plus tard, les relations officielles franco-algériennes se poursuivent artificiellement sans qu'une paix n'ait été signée !
Quant aux Français d'Algérie, ils n'ont pas été consultés. Le titulaire du Prix Nobel Maurice Allais écrit alors :"que l'exclusion de la minorité française et musulmane pro-française des négociations d'Evian, immorale par elle-même, a constitué une lourde faute politique."
En conclusion, Maurice Faivre cite Ben Khedda : "30 000 bi-nationaux occupent des postes clefs … où la culture française prévaut. C'est une minorité qui cherche à défendre ses intérêts face au courant islamiste majoritaire, à l'image des pieds noirs sous la colonisation."
Ben Khedda voulait un courant islamiste majoritaire, il l'a eu.
7 - LA FIN DES HARKIS
Pour faire court, et d'après les archives :
- les cabinets ministériels croyaient à tort les harkis non menacés ;
- une majorité de harkis a cru aux garanties d'Evian (???) tandis que les familles étaient affolées à l'idée de s'expatrier ;
- le gouvernement n'avait pas envisagé un tel afflux de réfugiés ;
- l'Armée de Terre a fait ce qu'elle a pu.
Mais d'après notre expérience (et la suite de ce chapitre) :
- les cabines ministériels et leurs ministres ignoraient ce qui se passait sur le terrain ;
- une majorité de harkis pensait pouvoir s'en sortir en faisant appel à leurs cousins du FLN ;
- le gouvernement appliquait la méthode Coué et l'obéissance au Général de Gaulle "ce magma qui n'a servi à rien et dont il faut se débarrasser sans délai", mais il avait été plus qu'averti par le général Ely, chef d'État-Major général ;
- par "Armée de Terre", il faut comprendre beaucoup d'officiers à titre individuel.
Le 4 juillet, le colonel Buis écrit au colonel Schoen "l'œuvre d'honneur et de justice que constituait le rapatriement des Musulmans menacés a été largement conçue, minutieusement conduite et intégralement réalisée" (sic). Toutes les autres citations dont Le général Faivre émaille ce chapitre sont aussi folkloriques.
S'agissant du nombre des victimes des massacres, les estimations sont contradictoires. L'évaluation du Contrôleur général de Saint-Salvy (150 000) par péréquation de l'arrondissement d'Akbou a été démentie par les historiens Xavier Yacono et CR Ageron, qui estiment les pertes de la guerre, dans les deux camps, à moins de 300 000. En retranchant de ce chiffre les pertes au combat et les disparus, on obtient une évaluation de 60 à 80 000. Mais ce chiffre est impossible à vérifier.
Le gouvernement n'envisage le rapatriement des harkis et de leur famille que dans la limite des camps de regroupement : "les possibilités d'absorption de la métropole étant largement saturées, il convient de suspendre dès maintenant toute nouvelle admission dans les camps." Comme s'il n'existait pas d'autres possibilités ! Comme on l'estimait quelques semaines plus tôt au Ministère d'État chargé des Affaires algériennes "la France faillirait à son honneur si elle ne tentait pas tout en leur faveur".
"Quant à la duplicité du FLN, et à sa responsabilité dans les massacres, elles ne sont pas niables. On peut admettre que les négociateurs français ont été abusés par la bonne foi de Krim. Fallait-il faire confiance à la signature du FLN ? Aujourd'hui (en 2000) M. Messmer en doute. Cette erreur de jugement … peut être assimilée à une non-assistance à personne en danger."(page 144)
Il se trouve que quatre ans auparavant, Alain Peyrefitte nous avait proposé de rencontrer Pierre Mesmer pour le mettre au courant de ce qui s'était réellement passé sur le terrain. Pierre Messmer avait décliné cette proposition.
8 - EFFECTIFS MILITAIRES ET OPÉRATIONS
Le 1er novembre 1954, le général Cherrière, Commandant interarmes, ne dispose environ que de 70 000 hommes dont moins de 20 000 sont opérationnels, alors que 90 000 hommes sont stationnés au Maroc et en Tunisie. Pour faire face à la montée du terrorisme, en utilisant le "quadrillage", pendant toute la durée de la guerre, les militaires demanderont d'abord des renforts, puis le maintien à niveau des effectifs, lequel sera compromis par le retrait des unités marocaines, tunisiennes et africaines et par la baisse de la ressource démographique.
La politique de l'État-major offre ainsi une alternance d'interventions politiques en vue de maintenir les effectifs au niveau atteint en 1956, et de prévisions optimistes de réduction, permises par l'amélioration, année après année, de la situation militaire.
Des désertions massives se produisent dans certains régiments de tirailleurs algériens. Mais c'est en 1956 que sont développés les maghzens chargés de la protection des SAS (Sections administratives spécialisées). Au début de 1956, les effectifs totaux atteignent 220 000 hommes. Les Chefs des Armées préviennent : "Il ne faut pas s'enliser dans la guerre, il faut des effectifs pour gagner, et vite" (général Jouhaud).
C'est en mars 1956 que le Président du Conseil, Guy Mollet, décide de rappeler les contingents et de porter le service militaire à 24 mois. En octobre 1956, les effectifs terrestres s'élèvent à 404 000 hommes. L'opération de Suez réduit alors les activités et désorganise les forces. De leur côté, les effectifs des rebelles est évalué à 19 000 hommes.
Le maintien de l'ordre passe des mains de la police à celle de l'armée, d'abord dans le bled, puis dans les villes, pendant que la répression du terrorisme aveugle et barbare du FLN est conduite de plus en plus brutalement. "Tous les fellaghas pris les armes à la main seront châtiés".
Par ailleurs les Dispositifs Opérationnels de Protection (DOP) sont créés, puis leur appellation est abandonnée, suite à une campagne de presse du FLN qui lui aura coûté trois millions de francs, selon Belkacem Krim. En 1960, lors de l'affaire des barricades, le général de Gaulle répond au général Ely qui voulait négocier leur démantèlement : "Ne pas faire couler le sang ! Avec tout le sang qui a déjà coulé en Algérie, qu'est-ce que cela peut faire …"
Par ailleurs, l'emploi de la torture a été reconnu comme le moindre mal en réponse aux crimes des terroristes. Ainsi la torture est couverte par le silence protecteur des autorités civiles et militaires. Mais les tortures infligées par le FLN sont rarement évoquées, telles celles, bestiales, infligées par Amirouche, ou mieux celles encore pires infligées aux Harkis après le "cessez-le-feu". Le rapport Béteille cite "le terrorisme ne connait pas de quartier. Par nature il frappe même les innocents. Le fellagha tuent pour tuer, pillent, incendient, égorgent, violent, écrasent contre les murs les têtes des enfants, éventrent les femmes, émasculent les hommes."
Mais aussi les avocats du FLN incitent leurs clients à dire avoir été torturé … sans trop donner de détails qui risqueraient les faire se couper. Dans ce genre de guerre, tous les moyens sont bons (ou plutôt tous les moyens sont mauvais).
Nous ne pouvons que suggérer l'écoute du discours du 4 novembre 1960, qui eut été excellent, quoique tardif, s'il s'était adressé à un public stratégiquement mature et s'il avait été précédé d'une action psychologique profonde. Pour faire dans le militaire, ce discours peut être comparé à une attaque sans préparation d'artillerie : vouée à l'échec.
Hélas, hélas, hélas ! Les réactions conduiront droit à la décennie noire qui n'en finit plus de finir pour les un, et à l'exil - situation d’une personne forcée de vivre hors d’un lieu, généralement sa patrie -, mais un exil sous forme d'exode - émigration massive d’un peuple - pour les autres.
http://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00216/allocution-du-4-novembre-1960.html
À l'annonce du voyage du Chef de l'État faisant suite à ce discours, le général Crépin s'est écrié "Mais c'est de la folie ! Comment vais-je maintenir l'ordre ?" tandis que se dérouleront dans les villes d'Algérie de violentes manifestations européennes et surtout musulmanes.
Enfin la "civilisation" de la répression est interprétée par le FLN comme un signe de faiblesse et un préalable à leur reconnaissance politique. Celui-ci est l'instigateur des manifestations du 1 et du 5 juillet 2001, visant à protester contre le "ballon d'essai" de la partition irréaliste de l'Algérie.
Les positions se radicalisant, c'est maintenant la priorité gouvernementale à la lutte contre les putschistes et l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète), puis beaucoup de temps passé à matérialiser l'utopie qu'a été la Force Locale, ou à (laisser se) mettre en place les Barbouzes.
Le général de Gaulle devient partisan d'intensifier la guerre civile contre l'OAS. La mésentente entre civils et militaires s'accroit. Il faut l'intervention du général Olié, qui a succédé au général Ely pour annuler des directives déraisonnables. En décembre 1961, la Sureté nationale fait état d'une attaque prochaine du Rocher Noir (Résidence secondaire du Gouvernement Général - actuellement Boumerdès) par 20 000 activistes. Jean Morin s'affole, il demande l'appareillage de la flotte de Toulon. Ailleret garde son calme et fait annuler cette demande.
Le Préfet d'Oran, dans son rapport du 3 février 1962, écrit que "le redoublement des attentats du FLN est la cause première de la violente réaction des Européens … Les musulmans ont la prétention de chasser les israélites des quartiers où ils habitent … Les commandos du FLN pourchassés dans le bled se réfugient dans les villes où ils font régner la terreur."
Contrairement à ce qu'écrit le général Katz (responsable militaire à Oran) dans ses mémoires, le général de Gaulle est tenu au courant de l'aggravation de la situation. Le FLN multiplie dans les villes les enlèvements d'Européens. Même si l'OAS est éliminée, le gouvernement n'a plus en main la situation, que les vents mauvais emportent. Conclusion du général de Gaulle :"Il n'y a plus ni gouvernement, ni autorité locale, il y a même plusieurs ALN. Les militaires peuvent accorder leur concours, mais avec prudence, ou intervenir en cas de désordres contre les Français. Si la situation s'aggrave, protéger le regroupement des Français et au besoin leur embarquement."
La réunion du 16 novembre du Conseil des Affaires Algériennes est celle du désenchantement et de la désillusion. Le général de Gaulle conclut : "le dégagement est la règle d'or … les européens ne seraient que des souffre-douleur … Il faut ramener l'armée le plus vite possible, nous en avons besoin et ils n'ont plus rien à faire."
Sombre bilan.
4 - LA FORCE LOCALE ET LES AUXILIAIRES DE POLICE
Ce chapitre a déjà été traité dans l'article :
http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2063%20-%20LA%20FORCE%20LOCALE
5 - ACTION POLITIQUE ET INFORMATION
Dès 1956, l'ALN se convainquit très vite de la nécessité d'organiser une guerre psychologique fondée essentiellement sur une propagande offensive. Les thèmes classique étaient : le pillage des richesses de l'Algérie par les colons, les méfaits de l'occupant, la révolution sociale et agraire, l'unité arabe, mais aussi la guerre microbienne des Français, la stérilisation des femmes, la déportation des immigrés, l'extermination par la famine des regroupements.
Le massacre de Melouza est attribué à l'armée française ; dès juillet 1959, le million de martyrs est célébré. Mieux : le 3 juin 1963, Ahmed Ben Bella déclare à la presse : "Nous avons pardonné aux anciens harkis, leurs assassins seront arrêtés et exécutés" ! (Et même Ferhat Abbas raconte dans un de ses livres que c'est la France qui aurait demandé de gracier les assassins des Européens d'Oran).
Les officiers des SAS et des sous-quartiers s'efforcent d'inculquer la foi dans une Algérie nouvelle à la population musulmane dont, selon le général Ely, ils sont les seuls à avoir le contact. Mais les excès de la répression, exploités par le FLN et ses soutiens médiatiques, sont contre-productifs dans l'opinion métropolitaine et internationale. La plupart des tentatives de 3ème force : Action kabyle, affaires Kobus, Bellounis, Si Salah et in fine Front algérien d'action démocratique, ont échoué en raison de l'insuffisance de renseignement sur les acteurs ou l'absence de volonté publique au sommet.
Les Comités de Salut Public constituent une de ces tentatives de troisième force. La fraternisation a suscité un moment d'espoir dans une partie de la population musulmane et a constitué pour les colons une sorte de nuit du 4 août. Vous pourrez consulter à ce propos notre article :
http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2023%20-%20FRATERNISATION%20DE%201958
Le colonel Trinquier d'ajouter : "Pour ma part j'avais toujours été gêné de cette sous-citoyenneté des Algériens de souche." Et dans Le Monde du 13 septembre 1958 Jean Lacouture témoigne : "Dans cette zone que j'ai sillonnée de poste en poste, l'action menée par quelques officiers et leurs hommes m'a parue en tout état de cause positive et fructueuse, quelque puisse être demain le statut de l'Algérie : intégrée, indépendante, partagée ou fédérée … Ce que l'armée est en train de faire ressemble à un travail révolutionnaire."
Mais le général de Gaulle suit son idée : le général Guillaumat reçoit l'ordre d'éliminer "les gens du 13 mai" ;
le général Salan est prié de rappeler les personnalités "anti-libérales" qu'il a fait expulser en mai. De Gaulle propose le 15 novembre une action psychologique "Ne pourrait-on provoquer des ralliements d'une façon ou d'une autre, en les payant si besoin est ?" Cette suggestion puérile ne recueille pas un large assentiment (page 86).
Et il n'est pas question d'agir sur les Européens. Ni sur l'armée : le discours du 4 novembre évoquant la "République algérienne qui existera un jour" provoque la stupeur des responsables politiques. Le général Ely rend compte à De Gaulle l'incompréhension totale des généraux d'Algérie : "Je suis tombé sur un mur. L'armée est disciplinée, elle tiendra. Je suis obligé de vous le dire, il y a une nette régression de la confiance de l'armée en vous."
Le FLN estime que les manifestations de décembre baptisées "journées glorieuses" furent à l'origine de la décision du général de Gaulle d'accorder l'indépendance à l'Algérie. Le général Crépin confirme que le changement de la politique gaulliste se situe à cette époque. La politique d'Algérie algérienne avec ou sans la participation du FLN est poursuivie pendant tout l'été 1961. Les rapports sur le moral expriment le découragement des officiers ; les rapports des préfets font état de la prise en main des populations urbaines par le FLN. Le résultat sera accablant : Boumediene, après son coup d'État de 1965 a condamné en termes définitifs la gestion de Ben Bella :"Amour morbide du pouvoir, intrigues traquées dans l'ombre, improvisation, irresponsabilité, mystification et illusionnisme démagogiques."
Pour en finir avec ce chapitre, le général Faivre cite Salluste dans le Bellum Jugurthinum :"Quand la foule, suivant son ordinaire, surtout chez les Numides, elle était de caractère changeant, amie de la sédition et de la discorde, désireuse de nouveauté, ennemie de la paix et du repos".
Salluste, si tu nous lis !
6 - NÉGOCIATIONS - CESSEZ-LE-FEU, GARANTIE ET COOPÉRATION
Des tentatives avortées de négociation ont été faites avant celle de 1960. Toujours sur l'initiative du gouvernement français, jamais sur celle du FLN, qui porte donc une sérieuse responsabilité en ce qui concerne la durée du drame algérien.
En mars 1956, Nasser avait promis au Ministre Pineau d'arrêter le soutien en armes de la rébellion avec un début de négociation par l'intermédiaire du bachagha Boutaleb, mais on découvre une cache d'armes au domicile du bachagha …
D'autres négociations sont engagée par des membres de la SFIO, sur la base d'une solution envisagée par Mohammed V et Bourguiba : une confédération maghrébine liée à la France en certains domaines, mais l'arraisonnement de l'avion Rabat-Tunis fait échouer cette tentative.
Le 9 janvier 1957, face au triptyque proposé par Guy Mollet : cessez-le-feu, élections, négociations, selon Bruno Etienne, le FLN refuse d'envisager d'éventuels problèmes de minorité et de dissocier le Sahara.
Dès 1956 le général de Gaulle déclare à diverses personnalités internationales qu'il est favorable à un règlement négocié. Il prend contact avec la Tunisie par l'intermédiaire d'un grossiste en tissu, se rendant fréquemment en Tunisie et partisan d'une solution fédérale. Celui-ci sera assassiné par le FLN après l'indépendance.
En 1959, George Pompidou prend à Alger des contacts sans suite. Une rencontre entre Antoine Pinay et Ferhat Abbas n'aura elle non plus pas de suite. Constamment le FLN veut l'indépendance pour lui seul, tout en gardant ses armes. C'est donc bien le pouvoir absolu qui l'intéresse.
La "paix des braves" proposée par le Général de Gaulle se heurte encore à un refus rehaussé en ce qui concerne Amirouche par l'exécution, après d'horribles tortures, de 2 500 djoundi. L'affaire Si Salah est un échec de plus.
Et une longue partie de poker menteur commence à Melun, Lucerne, Evian, Lugrin, Les Rousses, Evian enfin. Les positions françaises s'alignent progressivement sur celles des négociateurs du FLN. Il est intéressant de constater qu'à aucun moment le sort des musulmans fidèles à la France (harkis et assimilés) n'est évoqué. Aucune réponse n'est donnée à la demande française concernant les prisonniers détenus par le FLN.
Nous ajoutons qu'aucune disposition de rétorsion n'est envisagée contre les Algériens anti-français résidant en France, ils peuvent donc garder leurs armes et ne pas être renvoyés le cas échéant en Algérie … Mieux, la délégation du FLN n'est ni mandatée par le GPRA, ni par le CNRA. Belkacem Krim est amené à signer le document à titre personnel pour rendre valable l'accord de cessez-le-feu par la délégation française, qui, elle, est mandatée. Comme l'a écrit Pierre Messmer trente ans plus tard, "on peut se demander si du côté français cette confiance en la sincérité des Algériens ne reposait pas sur une illusion."
Bien entendu ces "accords" n'ont jamais été entérinés par les autorités algériennes. Mieux, cinquante deux ans plus tard, les relations officielles franco-algériennes se poursuivent artificiellement sans qu'une paix n'ait été signée !
Quant aux Français d'Algérie, ils n'ont pas été consultés. Le titulaire du Prix Nobel Maurice Allais écrit alors :"que l'exclusion de la minorité française et musulmane pro-française des négociations d'Evian, immorale par elle-même, a constitué une lourde faute politique."
En conclusion, Maurice Faivre cite Ben Khedda : "30 000 bi-nationaux occupent des postes clefs … où la culture française prévaut. C'est une minorité qui cherche à défendre ses intérêts face au courant islamiste majoritaire, à l'image des pieds noirs sous la colonisation."
Ben Khedda voulait un courant islamiste majoritaire, il l'a eu.
7 - LA FIN DES HARKIS
Pour faire court, et d'après les archives :
- les cabinets ministériels croyaient à tort les harkis non menacés ;
- une majorité de harkis a cru aux garanties d'Evian (???) tandis que les familles étaient affolées à l'idée de s'expatrier ;
- le gouvernement n'avait pas envisagé un tel afflux de réfugiés ;
- l'Armée de Terre a fait ce qu'elle a pu.
Mais d'après notre expérience (et la suite de ce chapitre) :
- les cabines ministériels et leurs ministres ignoraient ce qui se passait sur le terrain ;
- une majorité de harkis pensait pouvoir s'en sortir en faisant appel à leurs cousins du FLN ;
- le gouvernement appliquait la méthode Coué et l'obéissance au Général de Gaulle "ce magma qui n'a servi à rien et dont il faut se débarrasser sans délai", mais il avait été plus qu'averti par le général Ely, chef d'État-Major général ;
- par "Armée de Terre", il faut comprendre beaucoup d'officiers à titre individuel.
Le 4 juillet, le colonel Buis écrit au colonel Schoen "l'œuvre d'honneur et de justice que constituait le rapatriement des Musulmans menacés a été largement conçue, minutieusement conduite et intégralement réalisée" (sic). Toutes les autres citations dont Le général Faivre émaille ce chapitre sont aussi folkloriques.
S'agissant du nombre des victimes des massacres, les estimations sont contradictoires. L'évaluation du Contrôleur général de Saint-Salvy (150 000) par péréquation de l'arrondissement d'Akbou a été démentie par les historiens Xavier Yacono et CR Ageron, qui estiment les pertes de la guerre, dans les deux camps, à moins de 300 000. En retranchant de ce chiffre les pertes au combat et les disparus, on obtient une évaluation de 60 à 80 000. Mais ce chiffre est impossible à vérifier.
Le gouvernement n'envisage le rapatriement des harkis et de leur famille que dans la limite des camps de regroupement : "les possibilités d'absorption de la métropole étant largement saturées, il convient de suspendre dès maintenant toute nouvelle admission dans les camps." Comme s'il n'existait pas d'autres possibilités ! Comme on l'estimait quelques semaines plus tôt au Ministère d'État chargé des Affaires algériennes "la France faillirait à son honneur si elle ne tentait pas tout en leur faveur".
"Quant à la duplicité du FLN, et à sa responsabilité dans les massacres, elles ne sont pas niables. On peut admettre que les négociateurs français ont été abusés par la bonne foi de Krim. Fallait-il faire confiance à la signature du FLN ? Aujourd'hui (en 2000) M. Messmer en doute. Cette erreur de jugement … peut être assimilée à une non-assistance à personne en danger."(page 144)
Il se trouve que quatre ans auparavant, Alain Peyrefitte nous avait proposé de rencontrer Pierre Mesmer pour le mettre au courant de ce qui s'était réellement passé sur le terrain. Pierre Messmer avait décliné cette proposition.
8 - EFFECTIFS MILITAIRES ET OPÉRATIONS
Le 1er novembre 1954, le général Cherrière, Commandant interarmes, ne dispose environ que de 70 000 hommes dont moins de 20 000 sont opérationnels, alors que 90 000 hommes sont stationnés au Maroc et en Tunisie. Pour faire face à la montée du terrorisme, en utilisant le "quadrillage", pendant toute la durée de la guerre, les militaires demanderont d'abord des renforts, puis le maintien à niveau des effectifs, lequel sera compromis par le retrait des unités marocaines, tunisiennes et africaines et par la baisse de la ressource démographique.
La politique de l'État-major offre ainsi une alternance d'interventions politiques en vue de maintenir les effectifs au niveau atteint en 1956, et de prévisions optimistes de réduction, permises par l'amélioration, année après année, de la situation militaire.
Des désertions massives se produisent dans certains régiments de tirailleurs algériens. Mais c'est en 1956 que sont développés les maghzens chargés de la protection des SAS (Sections administratives spécialisées). Au début de 1956, les effectifs totaux atteignent 220 000 hommes. Les Chefs des Armées préviennent : "Il ne faut pas s'enliser dans la guerre, il faut des effectifs pour gagner, et vite" (général Jouhaud).
C'est en mars 1956 que le Président du Conseil, Guy Mollet, décide de rappeler les contingents et de porter le service militaire à 24 mois. En octobre 1956, les effectifs terrestres s'élèvent à 404 000 hommes. L'opération de Suez réduit alors les activités et désorganise les forces. De leur côté, les effectifs des rebelles est évalué à 19 000 hommes.
L'année 1957 est cruciale : bataille d'Alger et construction des barrages est et ouest pour empêcher l'acheminement des armes. Il y a maintenant 160 hélicoptères et 700 avions disponibles. À la suite de l'affaire de Sakiet, le général Ely suggère une guerre totale, puis un plan de réduction des effectifs les années suivantes. Ce plan est interrompu par le soulèvement du 13 mai 1958. C'est alors que sont développées de nouvelles méthodes de lutte : le recours aux harkis et la relance des opérations militaires : "À part les paras, personne ne sort" (Général de Gaulle). Pour compenser les classes creuses, on embauche 30 000 harkis. Autre observation du général de Gaulle :" Ce n'est pas sur le plan militaire que l'affaire se réglera … mais c'est sur le plan politique et psychologique."
Le plan Challe est approuvé, qui maintient les effectifs à 370 000 hommes instruits. C'est le "rouleau compresseur" d'ouest en est, appuyé par 940 avions et 175 hélicoptères. Groupes de choc à l'extérieur des frontières, opération d'intoxication dans la wilaya d'Amirouche … En avril, Michel Debré estime que tout doit être fini en 1960.
Le discours sur l'autodétermination met le trouble dans les esprits. L'affaire des barricade entraîne la suppression des unités territoriales, et ralentit le rythme des opérations militaires. De mai à juin 1960, les contacts avec la Wilaya 4 - l'affaire Si Salah - aboutissent à un échec. Politiquement les manifestations nationalistes surprennent le général Crépin, mais si on ne considère que le plan militaire, le "plan Challe" est un succès, comme le témoigne le commandant Berredjem, responsable de l'intendance de la Wilaya 2 qui déclarera en novembre 1962 : "Le plan Challe a été un coup dur porté à la Révolution … trois années de dures épreuves du point de vue alimentation … On est arrivé à voir le djounoud posséder deux cartouches … il mangeait des herbes tout en pensant tomber dans des embuscades … On ne pouvait s'en sortir que parce que de Gaulle a apporté la trêve."
La trêve unilatérale pendant les négociations avec le FLN dure trois mois. Puis c'est la déflation des effectifs, le début de la liquidation des haras, la tentative de formation d'une "Force locale", la "civilisation" des SAS, et … la lutte contre l'OAS.
Ici un très intéressant sous-chapitre consacré aux appelés et maintenus. Le professeur Jean-Charles Jauffret s'est efforcé de conduire la première enquête scientifique, dont entre autres quatre cent trente réponses à une enquête portant sur 152 questions.
C'est une très grande diversité de réponses qui parviennent. Mais en général, la vie des soldats n'est pas une partie de plaisir : l'ennui, le cantonnement sous la tente ou dans les mechtas, la prise de nivaquine, la lessive et la toilette dans le casque lourd, le froid de la nuit succédant à la surchauffe du jour, les accidents de tir, la vie avec les FSNA (Français de souche nord africaine) …
Les officiers, unanimes, attestent de la disponibilité des appelés. Le général Salan écrit fin 1957 : "Leur bonne volonté est totale, leur commandement facile, leur allant fréquemment signalé par les chefs de corps. Ils s'exaltent dans l'action qui leur permet de supporter une vie souvent austère et harassante." Le bilan des opérations se traduit par l'attribution de 293 000 citations pour la croix de la Valeur militaire.
38 ans après, le sentiment général est celui d'une guerre inutile, qui révèle de profondes coupures morales et politiques, à l'origine d'un premier réflexe de rejet et d'oubli… Ceux qui avaient éprouvé de la sympathie pour l'ALN font le triste constat de l'échec de l'Algérie du FLN. Ceux qui s'étaient engagé dans la voie de l'Algérie française par respect de la parole donnée s'estiment trahis par la politique gaullienne … Même ceux qui ne pensaient qu'à la quille ont bien du mal à comprendre ce qui leur est arrivé. Le mérite du livre du professeur Jauffret est de leur avoir redonné la parole.
9 - LA DÉFENSE DES FRONTIÈRES
Nous avons déjà traité le sujet dans un article qui connaît un grand succès :
http://dakerscomerle.blogspot.fr/search/label/a%2050%20-%20BARRAGES%20%C3%89LECTRIFI%C3%89S
Mais les graphiques contenus dans le livre sont particulièrement intéressants.
10 - ADMINISTRATION ET ECONOMIE
Pierre Bataillon, ancien administrateur au Sahara, après avoir consulté toutes ces archives, donne ses impressions : "En lisant ces documents, mon impression est celle de celui qui pénètre sur une autre planète : monde imaginaire coupé de la réalité du terrain, personnes hautement qualifiées qui imaginent des scénarios dont la mise en œuvre est supposée pour le moins de disposer de quelques années alors que la course au dégagement est déjà engagée. On se demande sans cesse si ils sont aveugles ou si l'esprit de discipline leur interdit d'être clairvoyants. La publication de ces archives devrait éclairer d'un jour très cru une époque soigneusement occultée ainsi que le fait remarquer notre ami Mohand Hamoumou :"Le triple silence de la France, de l'Algérie et des harkis eux-mêmes."
Dans le bulletin de janvier 1963, le Commandement supérieur écrit :"Le FLN a adopté initialement vis à vis des ex-supplétifs une attitude tolérante qui explique les très faibles effectifs des premiers départs." Pierre Bataillon pense qu'il ne s'agit pas de tolérance, mais d'hypocrisie. Notre interprétation est quelque peu différente : le gouvernement français abandonnant un butin de guerre, il sera de bonne guerre de le razzier au moment opportun. la directive de la Wilaya V est claire à ce sujet.
On remarquera au milieu de la circulaire la phrase "Le cessez-le-feu n'étant pas la paix, nous devons user du tact et agir avec souplesse afin de les gagner provisoirement ... Leur jugement final dans une Algérie livre et indépendante devant Dieu et le peuple qui sera alors seul responsable de leur sort."
Dans cet entretien que nous avons eu en septembre 1996 avec Alain Peyrefitte dans son bureau du Figaro, celui-ci nous a confié que dans l'esprit du gouvernement français d'alors dont il était le porte-parole, les Algériens, même pro-français, n'étaient pas des "rapatriés" puisque la France n'était pas leur patrie. S'il y a eu accord - tacite - à Evian, c'est bien celui-là.
Quant à la spoliation des biens des rapatriés (européens), la même notion de "razzia" peut s'appliquer; Pierre Bataillon conclut :"Cette manière de procéder est conforme à ce que le GPRA, selon notre ambassadeur à Tripoli, avait décidé en mars 1962 : Prenons ce qu'il nous est possible de prendre actuellement, le reste nous le prendrons plus tard. Ce qui fut fait dès 1962 pour les terres et peu après pour le pétrole.
LA DÉCOUVERTE DU PÉTROLE SAHARIEN
Alain Perrodon a été Chef géologue du Bureau de Recherche du Pétrole, puis Directeur de l'Exploration d'Elf. Témoignage :
Après des prospections sans résultats apprédicables, en 1947 la Société nationale de Recherche et d'Exploitation des Pétrole en Algérie (SN-REPAL) s'attaque au Sahara. En juin 1956, la REPAL découvre le "puits de la chance" à Hassi Messaoud, et en novembre le gaz d'Hassi R-mel, le tout pour un coût de 32 milliards d'anciens francs. Suivent les champs d'Edjelé et de Zaizartine
Robert Nyssen témoigne sur "Hassi Messaoud an zéro" : "L'un de nos experts nous avait dit: on va faire un trou ici pour montrer à ces imbéciles qu'il n'y a pas d'huile… vers 11 heures, ça y est, le train de tiges a touché le fond à 3361 mètres. Le fluide est monté rapidement dans le train de tiges, on se rend compte immédiatement qu'il ne s'agit pas d'eau mais d'hydrocarbures. En effet le gaz en expansion jaillit bientôt par la dérivation vers la torche…"
Philippe Durix, consultant en recherches pétrolières, traite du pétrole du Sahara et des négociations d'Evian. De 1962 à 1972, il a suivi la négociation pétrolière avec l'Algérie. L'industrie pétrolière française était dirigée par des hauts fonctionnaires. Ils ont eu conscience très tôt que le gouvernement français accorderait l'indépendance à l'Algérie et ont probablement commencé à négocier avec le FLN, ce qui expliquerait qu'il n'y ait pas eu d'actions terroristes sur les installations pétrolières. Le pétrole saharien étant d'un coût plus élevé que le niveau international, le gouvernement français a fait jouer une clause de "devoir national" pour les compagnies françaises.
La Sonatrach est devenue l'héritière du BRP (Bureau de Recherche Pétrolière), la compétence en moins. Ce n'est que lorsque le gouvernement Zeroual a réouvert le domaine minier algérien aux compagnies étrangères qu'il y a eu une reprise spectaculaire des découvertes au Sahara. Quant au secteur parapétrolier, il a du se reconvertir dans l'offshore, avec succès.
Conclusion d'Alain Perrodon : le Sahara est devenu une zone de paix (fin des années 90). Nous l'avons vérifié nous-mêmes en travaillant alors dans la zone d'Hassi-Messaoud. En 2014, il en est autrement, grâce aux activités des "fellaghas nouveaux". Donc le gaz est "la" richesse de l'Algérie, encore pour un certain temps.
11 - FRANCOIS MEYER, CHEF DE HARKA
Lieutenant en 1962, il était chef du commando de chasse du secteur de Géryville, dont la plupart des membres étaient des déserteurs du FLN depuis 1960. La création de la harka commence après que les hommes d'un village aient été convoqués - bessif - à prendre le maquis. Les égorgements à répétition ont pour réplique de la part des habitants la constitution d'une seconde harka. À partir de juin 1961, la grève et la libération unilatérales de prisonniers met le trouble dans les esprits. "On" dissout le commando de chasse, qu'on reconstitue quand "on" voit les inconséquences de l'unilatéralité … "On ne remplace pas d'ailleurs sans prendre quelques risques les chefs d'une unité musulmane très offensive et devenue particulièrement sensible".
L'égorgement de notables musulmans par le FLN devient la règle, et les combats meurtriers se poursuivent, alors que le supplétifs font l'objet d'une intense propagande :"L'heure de la victoire approche, où irez-vous après ? L'ennemi retire ses fils et vous fait avancer les premiers dans les accrochages. Pour qui mourrez-vous ? Pour la France qui a tué vos frères et violé vos mères et vos sœurs ? Demain, les colonialistes français vous abandonneront, les métropolitains ne voudront jamais vous laisser pénétrer dans leurs terres … Désertez les rangs ennemis, abattez vos officiers assassins."
Quand les supplétifs réalisent que l'abandon est en cours, ils commencent à déserter. Le 6 mars, le capitaine chef d'une SAS retire leurs munitions à tout ses moghaznis sur ordre de la sous-préfecture (voir ci-dessous). Le résultat est la désertion de nombre de supplétifs pour le motif suivant : " Nous en avons assez de vous suivre et de continuer à vous obéir … Et aussi la harka et le commando se sont mis d'accord pour vous tuer, mais tout cela a échoué. Nous n'irons ni au djebel, ni au FLN. Celui que jours rencontrerons nous somme d'accord pour l'affronter tant que nous aurons des armes entre les mains."
Oui mais, ceux qui se seront rendus au FLN seront exécutés. "Un sergent sera mis à mort par ses anciens camarades de la nahia (subdivision administrative d'une wilaya) avec une sauvagerie particulière : Mutilé progressivement, son supplice durera plusieurs jours, ses membres seront déposés dans un burnous, devant la tente de sa femme."
Version de Ben Khedda, Président du Gouvernement provisoire de la République algérienne, du document signé à Evian :"L'énorme potentiel militaire de la France sera évacué selon un calendrier prévu. L'ALN restera intacte et gardera ses armes, c'est la grande victoire du peuple algérien." C'est tout. Accord ou ukase ?
Mais ce n'est pas fini, bien évidemment François Meyer veut faire évacuer en France le dernier convoi des familles de ses supplétifs. Elles se voient refuser à Oran l'accès aux casernes militaires par le bureau des embarquement. Il faudra que l'Amiral les recueille sous des tentes dans la vieille citadelle de Mers-el-Kebir, et cela en dépit des protestations d'un officier de l'ALN auprès du commandant du fort. En 1963, grâce à l'aide d'amis, ses anciens harkis ont quitté les camps d'accueil et ont trouvé du travail dans la région.
Conclusion du général Meyer :
Pour permettre un autre destin pour l'Algérie moderne, il fallait certainement plus de temps et plus de courage. En avions-nous suffisamment ?
12 - FRANCAIS D'ALGÉRIE
Trois témoignages :
- Philippe Nouvion, Président de Mémoire de la France d'Outre-mer, dont le père a été assassiné par le FLN dans sa propriété agricole d'Oued Smar. Le 23 juillet 1962, il est enlevé par des éléments se prétendant du FLN. Reçue le 25 juillet par le consul de France, sa mère s'entend répondre "Vous êtes chrétienne, prions pour que votre fils souffre le moins possible". Une cartomancienne de la Casbah annonce à ses tortionnaires qu'il est innocent, et un chef FLN de Mitidja le localise et réussit à le faire libérer. Selon Nouvion, l'Algérie d'aujourd'hui est le résultat de la politique de 1962, de la paix ratée à Evian. Cartomancienne amie, si tu nous lis !
- Jean Brune, sa carrière de journaliste le conduit au contact des Algériens de toutes tendances. Il comprend la position des notables aussi bien que des intellectuels musulmans. Sa véhémence ne lui vaut pas que des amis. Eternel exilé, il meurt en Nouvelle Calédonie en 1973. Mais auparavant, il aura eu l'occasion de rencontrer Belkacem Krim, exilé à Paris en opposition à la dictature de Ben Bella et de Boumediene : "Il était notre ennemi. Il a eu tort de faire confiance à des tueurs comme Mohammedi Saïd (ancien des SS) et Amirouche. Sincère, il croit à une Algérie démocratique et à la coopération avec la France".
- Roger Tebib - d'ascendance lorraine, mais aussi son trisaïeul kabyle fut converti au christianisme rn 1834. Il est spécialiste de la sociologie de la subversion et des problèmes de la sécurité intérieure. Son témoignage est sans appel. Mais on peut rétorquer : les Algériens dans leur grande masse méritaient-ils d'être francisables, donc d'être capables d'être partie prenante d'une démocratie ?
13 - HISTORIENS ALGÉRIENS
Mohammed Harbi n'a cessé d'occuper d'importantes fonctions au sein du FLN, jusqu'à être conseiller du Président Ben Bella, ce qui lui vaut 5 ans de prison en 1965. Exilé en France depuis 1973, il a assuré la publication d'une série de documents inédits qu'il recopiait à la main. Il n'a été que trop bien placé pour intervenir au colloque des historiens algériens et français de novembre 1996. Rencontré par Maurice Faivre en 1998, il lui a donné de précieuses informations, particulièrement
- sur l'action psychologique :
"Nos propagandistes n'étaient pas écoutés quand ils faisaient référence au nationalisme algérien, mais quand ils évoquaient le soulèvement de l'Islam, les Anciens leur répondaient : Voilà cent ans que nous attendons cela." Cela éclaire d'un jour nouveau la "décennie noire".
- sur le massacre des harkis :
"J'ai été témoin de maintes demandes de Ben Youssef Ben Khedda, Président du GPRA, et de son rival d'alors Ahmed Ben Bella auprès de la résistance intérieure. On peut reprocher à ces dirigeants de n'avoir pas désavoué à temps et avec vigueur la mise en œuvre d'une justice expéditive contraire aux accords avec la France. Mais au milieu des surenchères des factions locales, je dis bien des factions locales, qui cherchaient à transformer les ressentiments des victimes de la guerre en ressource politique, ils ont craint de déstabiliser davantage l'ordre social en intervenant ouvertement." (Mais il omet de souligner que ces fameux "accords" ont été immédiatement dénoncés par le GPRA, gouvernement provisoire de la République Algérienne, et le CNRA,Conseil national de la Révolution algérienne. Les "factions locales" ont donc interprété le message comme il se doit.)
- sur les cadres français dans l'armée algérienne :
"Après 1962, Boumediene a accueilli 200 officiers et sous-officiers dans l'ANP, où ils ont été chargés de missions d'instruction, de logistique et d'administration. Très nationaliste, Boumediene était opposé à la participation de cadres étrangers."
"HISTORIENS" ET MANUELS SCOLAIRES
Le mieux est de ne pas évoquer ce bourrage de crâne - en arabe seulement - du primaire à la classe de terminale. Le résultat : un enfant de 10 ans nous a spontanément abordé dans l'amphithéâtre romain de Guelma en nous disant "Nous ne connaissons pas l'histoire de notre pays". Qui dit mieux ?
La conclusion du livre est d'encourager de nouvelles recherches impartiales, en France et en Algérie. "Promouvoir la démocratie en Algérie et la paix sociale en France impose de sortir du manichéisme, et d'écrire l'histoire dans la clarté et dans sa totalité."Et puisque selon Beaumarchais dans le "Mariage de Figaro" :
« Or, Messieurs, la Co-omédie Que l'on juge en cet instant, Sauf erreur, nous en pein-eint la vie du bon peuple qui l'entend. Qu'on l'opprime, il peste, il crie ; Il s'agite en cent fa-açons ; Tout finit par des chansons... », voici donc, dans cet esprit, le texte d'une rengaine d'avant-guerre :
Allô, allô, Lucas, quelles nouvelles
Notre château est donc détruit ?
Expliquez moi car je chancelle !
Comment cela s'est- il produit ?
Eh! bien voilà, madame la Marquise
Apprenant qu'il était ruiné
À peine fut-il rev'nu de sa surprise
Qu' Monsieur l'Marquis s'est suicidé
Et c'est en ramassant la pelle
Qu'il renversa toutes les chandelles
Mettant le feu à tout l'château
Qui s'consuma de bas en haut
Le vent soufflant sur l'incendie,
Le propageant sur l'écurie
Et c'est ainsi qu'en un moment
On vit périr votre jument.
Mais à part ça, madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien !
Qu'on n'y voie surtout pas une allusion perfide au "cessez-le-feu".