FRANCE ALGÉRIE : LE GRAND MALENTENDU
Création le 12 novembre 2013
Non sans quelque hardiesse, on pourrait "paraboliser" la colonisation française en Algérie par l'histoire du pont de Tacoma ( dans l'État de Washington aux États-Unis ). Bien construit, mais mal calculé, ce pont suspendu n'a pas duré longtemps et a péri dans des convulsions spectaculaires, comme le montre l'une ou l'autre des deux vidéos ci-dessous.
http://www.youtube.com/watch?v=uhWQ5zr5_xc
http://www.dailymotion.com/video/xa0s25_chute-du-pont-de-tacoma_tech
Mais les ingénieurs en ont tiré les leçons, et ont créé une nouvelle génération de ponts suspendus : les ponts haubanés, comme par exemple le viaduc de Millau ( France ), dont ci-dessous la magnifique photo d'une œuvre d'art résistant à la foudre ).
Fin de la parabole.
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Le livre de Jean-Louis Levet et Mourad Preure - dont nous avons connu l'existence grâce à l'article de Toufik Yahya Chérif paru dans le site "Sétif info" - est sous-titré : "Le grand malentendu". Nous pensons qu'il aurait pu s'appeler "Le début de la fin du grand malentendu". En effet ces amis-là, bac + n tous deux, ont mis cartes sur table. N'importe si elles sont quelquefois biseautées, ou usagées, ou manquantes, elles sont là, et c'est essentiel pour pouvoir jouer dans le futur. Car ils étaient enfants pendant la guerre d'Algérie, et ne sont en rien responsables de ce qui s'est passé, depuis le temps où Juba 1er a été battu par Jules César en Ifrikya et où Vercingétorix a subi le même sort en Gaule. Et il s'en est passé bien des choses …
Ils sont vraiment bien placés pour parler du futur :
• Jean-Louis Levet, économiste, est né à Sétif en 1955. Ancien conseiller industriel à Matignon, il a exercé des responsabilités dans le secteur public et dans le secteur privé. Il a été très récemment nommé Haut Responsable à la coopération industrielle et technologique franco-algérienne dans le cadre de la Délégation interministérielle à la Méditerranée ( DIMED ) ;
• Mourad Preure né en 1952 dans la Casbah d'Alger, a été à la tête de la stratégie de la Sonatrach, le principal groupe énergétique et industriel algérien. Ancien membre du bureau exécutif du Conseil National consultatif de la PME algérienne, il enseigne la géopolitique de l'énergie, la stratégie et la prospective et préside le cabinet Energy International Strategic Consulting, spécialisée dans le conseil en stratégie et études énergétiques.
Tous deux sont d'anciens camarades de classe. Mourad Preure est un "indigène pur sucre" puisqu'il s'identifie comme Amazigh ( homme libre ) et arabophone , même si sa modestie l'empêche de se qualifier de parfait francophone. Jean-Louis Levet est un "immigré d'origine française", qui a grimpé allègrement les échelons de l'administration et de la politique.
À qui la faute pour tout ce "Grand Malentendu" ? À tout le monde et à personne …
En vrac :
• Les "pieds-noirs" - purée de nous ôtres - qui croyaient qu'ça va qu'ça ? Les quelques fermiers qui ont fait payer l'eau aux petits gars du contingent ?
• Le "Grand Charles", aux affaires pendant la répression excessive des massacres du Sétifois, et qui n'a pas imité Alexandre le Grand, lequel avait marié "bessif" ses généraux aux princesses locales ?
• Les parents des jeunes algériennes qui refusaient de les marier à des "mécréants" du "Livre" ( et cela même encore en 2012 ) ?
• Les députés du premier collège qui ont proclamé "Après moi le déluge" et qui, après le déluge, se sont fait d'une discrétion sublime ?
• La municipalité et les dockers de Marseille qui ont réservé un accueil triomphal aux malheureux sans-papiers, surtout les harkis ?
• Les généraux français à qui "on" a dit : il faut pacifier, et qui ont compris "il faut pas s'y fier" ?
• Les "anciens combattants" du FLN qui n'ont pas combattu ( appelés dans la région de Sétif les CDM "Combattants de la Dernière Minute" ), et qui voulaient en butin gratis les biens des pieds noirs.
• Les vrais patriotes algériens - de part et d'autre - qui ont été sacrifiés par les deux camps ?
• Ceux des Algériens qui ont traité les Français musulmans de "collabos", parce qu'ils ne savaient pas que l'un des principaux chefs du FLN, Saïd Mohameddi, avait commandité le massacre à la pioche des habitants de Melouza ( partisans du MNA ) et était un ancien engagé volontaire dans les Waffen SS ?
• Les desperados de l'OAS dont l'action suicidaire et éphémère a justifié opportunément l'éviction de gré - et parfois de force - de ceux des pieds-noirs qui préféraient la valise au cercueil ?
• Le gouvernement français dont la naïveté feinte, mais aussi réelle ( cela nous a été confirmé implicitement par Alain Peyrefitte lui-même ) a organisé ( ? ! ) le "dégagement", un terme qui a fait fortune depuis ?
• Le gouvernement algérien qui a survécu plusieurs fois à ses erreurs stratégiques grâce à la baguette magique de la fée "Hydrocarbure" ?
• Les "porteurs de valises", qui, selon la phraséologie du FLN, auraient pu être accusés d'avoir trahi leur camp, et qui ont été infiniment mieux traités que les malheureux Algériens de base ?
• Celui qui a dit "l'Algérie c'est la France", ou le tract nationaliste qui disait : "Jamais un Algérien ne pourra devenir français" ?
• Les quelques millions d'Algériens, et leur descendance, qui ont quand même choisi de s'établir en France, comparés aux quelques milliers de Français qui vivent en Algérie ?
• Et surtout l'enfer, qui est pavé de bonnes intentions ?
Mélangez bien tous ces griefs, et vous obtiendrez un grand malheur.
Et le peuple algérien, dans tout cela, qui fait de la "harraga" ( émigration clandestine ) à chaque drame ! Et l'État algérien qui est encore l'un des trois seuls États au monde à se qualifier de "démocratique et populaire", avec la Corée du Nord et le Laos, ce qui est très flatteur pour ces deux derniers !
Par ailleurs, il est bon que les Algériens sachent que les lois algériennes n'ont pas cours en France, ( par exemple celle sur la polygamie, ou sur le port du voile dans l'espace public, ou les restrictions alimentaires coraniques pour tous …), et que les Français sachent que qu'il ne faut surtout pas confondre "'islamophobie" et "islamismophobie".
Quant aux bonnes cartes, elles sont très nombreuses. Mourad Preure et Jean-Louis Levet ont les moyens de les jouer. Ils proposent une foule de bonnes idées en fin de livre pour faire progresser le "chmilblick". Il faudra, bien sûr, transformer un maximum d'idées en projets, puis en réalisations.
Nous laissons le mot de la fin à Mourad Preure sur l'extraordinaire potentiel de l'Algérie :
"Rien ne manque, le pays a des ressources, il a de l'espace, il a surtout un formidable potentiel humain. Rien ne justifie qu'il soit à la traîne. C'est inacceptable. Mon patriotisme m'incite à dire qu'il nous faut une paire de claques pour nous réveiller, car nous ignorons les immenses possibilités de cette nation. On ne peut pas accepter que le pays soit en retard alors qu'il a toutes les richesses, humaines, naturelles, alors que sa proximité avec l'Europe aurait pu comme le Japon ou la Corée du Sud être une mine d'opportunités et un accélérateur de croissance."
Qui dit mieux ?