LA VALISE, LE CERCUEIL ET LE HARKI
Modification 4 : le 14 mars 2012 - visuel "Harkis, histoire d'un abandon"
Soit une fable de La Fontaine, version XXème siècle, qui se termine ainsi :
"Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous feront blanc ou noir."
En moins de 10 ans les "Pieds-Noirs" seront passés de puissants à misérables, leur rêve algérien devenant successivement illusion, puis cauchemar, que le vent mauvais emporta. Pour les "Harkis", le Destin a été encore plus expéditif.
AMBIANCE :
En juillet 1960, le frère d'un jeune appelé, J.-L. E., officier SAS, est devenu chauffeur du général Cazelles, adjoint militaire de Pierre Messmer, ministre des Armées ; il est convoqué par ce général qui l'invite à s'exprimer sans détour sur son expérience algérienne. En réponse :"le général me dit qu'il considérait les musulmans pro-français comme des collaborateurs qui trahissaient la cause algérienne et que s'il leur arrivait malheur, ils l'auraient bien mérité. Quant aux "pieds-noirs" eux aussi méritaient le sort qui les attendait." Ce général (français ?) aurait voulu provoquer le putsch et l'OAS qu'il n'aurait pas mieux dit.
PREMIER DVD : LA VALISE ET LE CERCUEIL
C'est un film de Charly Cassan et de Marie Havenel. Un montage de qualité, basé sur des images d'archives et des témoignages, plus particulièrement en ce qui concerne Oran et Alger, et qui permet de se faire une idée précise sur la nostalgie de ces gens dont les ancêtres sont pratiquement partis de zéro et qui ont vu leur patrimoine et parfois leur vie réduits à zéro, (sauf les petits malins qui ont su s'arranger … tel celui auquel fait allusion Si Azzedine dans son livre "On nous appelait fellaghas").
C'est une complainte, plus encore qu'un document historique. Cette version "pied noire" de la colonisation a le mérite d'être sincère, même si elle ne l'est pas entièrement ; ce n'est pas, hélas, le cas des versions officielles française et algérienne.
La présence des Européens a-t-elle été le moteur de l'économie algérienne ?
Assurément, même si les "indigènes", nolens volens, ont été la portion congrue de cette expansion. Auparavant, qu'y avait-il ? La Régence d'Alger, qui gérait une économie principalement basée sur la piraterie et l'exploitation des esclaves blancs et surtout noirs.
Les Pieds-Noirs ont-ils fourni l'effort de guerre le plus important lors de la seconde guerre mondiale ?
Assurément, même si les débuts de l'Armée d'Afrique étaient plutôt vichyssois.
Qui a commencé cette guerre d'Algérie ? Assurément ceux qui ont assassiné des civils européens sans défense. Et plus encore, des civils "Français musulmans". Le film montre des images précises sur ce qu'est le "sourire kabyle". Propagande à la Tsimisoara ? Certainement pas : nous avons nous-même failli - mais vraiment failli - être victime près de l'Arba, étudiant en 1959, de ce genre d'action terroriste qui n'a rien à voir avec un quelconque combat pour l'indépendance.
On a également la visite de cimetière chrétien dévasté, œuvre de pilleurs de tombes, actes commis sous l'œil indifférent des autorités algériennes. Quel tollé en France (à juste titre) si un carré musulman est simplement tagué !
Venons-en à la révolte devant le cours des événements : la manifestation FLN d'Alger (et là, une erreur : Ce n'est pas la SAU - Section Administrative Urbaine - qui a poussé à la manifestation sur les ordres du gouvernement, mais un interprète algérien de cette SAU qui , à l'insu de son chef - lequel ne parlait pas arabe -, a pris l'initiative d'exciter la populace).
Bab el Oued : la conduite "héroïque" des Gardes Mobiles.
Oran : la "fête sacrificielle" de la populace organisée contre les Européens sans défense, l'absence de défense étant assurée par le général Katz, qui a eu le souci d'enfermer les troupes qui auraient pu sauver quelques vies humaines. Le pauvre général Katz n'a pas eu de chance : il avait oublié de faire enfermer notre ami, le lieutenant Rabah Kheliff, pas dangereux puisque "musulman". Ce dernier en a lâchement profité pour sauver, avec son unité (de musulmans), quantité de pauvres gens qui se dirigeaient vers le port. Le général Katz a eu l'amabilité de le convoquer, en lui assénant "Si vous aviez été Français, je vous aurais cassé !" Heureusement que ses amis politiques ont réussi à le dissuader de se présenter aux élections dans le Sud-Ouest. (Ceci n'est pas dans le film, mais une confidence que nous a faite Rabah Kheliff).
Retourner en Algérie et revoir sa maison ? Un pèlerinage - séquence nostalgie - que certains ont fait, d'autre pas. Aimable accueil de l'occupante sans titre, qui ne peut que mais, devant une blessure qui ne se referme qu'en apparence.
Ce coup de rétroviseur est nécessaire pour emplir la mémoire - aux abonnés absents - des jeunes générations aux approches du cinquantenaire de l'indépendance algérienne. Le bonus du DVD, ce sont ces témoignages personnels qui déchirent … le voile du silence.
Ce document est émouvant, la version "compacte" projetée le 9 février 2012 dans les locaux de l'Assemblée Nationale est plus percutante que la version initiale en deux DVD.
En conclusion, on peut remarquer quatre choses :
1 - L'habileté du Général de Gaulle à "passer entre les gouttes" dans toute cette affaire du "dégagement" de l'Algérie. Isly, Bab el Oued, Oran, tout cela sont des affaires de droit commun, pas de maintien de l'ordre.
2 - Le silence assourdissant des élus des Français d'Algérie, qui n'avait pas à faire dans leur assemblée du premier collège à une opposition leur interdisant de réclamer en temps utile les réformes indispensables, à quoi a répondu le silence assourdissant des "grandes âmes", tels les dockers de Marseille qui cassaient volontairement et impunément les containers des arrivants.
3 - L'anarchie meurtrière des bandes armées algériennes se réclamant de l'Algérie indépendante et qui ont malheureusement terni à jamais l'image de l'Algérie souveraine.
4 - Le souhait des auteurs du film de se faire voir à la télévision française. Vu l'était d'esprit ambiant, ils feraient mieux d'aller se faire voir chez les Grecs (ou chez les Israéliens, comme prévu) !
DEUXIÈME DVD : LE DESTIN D'UN CAPITAINE
Notre sélection :
http://youtu.be/chPjMXd8bbk
Voici un film d'Alain de Sédouy, un DVD double dont nous ne retiendrons pour cet article que le deuxième DVD, d'un coffret contenant en prime un petit livret de qualité, qui commence ainsi :
"Si on veut que la France règne en Algérie sur huit millions de muets, elle y mourra.
Si l'on veut que l'Algérie se sépare de la France,
Les deux périront d'une certaine manière."
(Albert Camus - Chroniques algériennes - 1958)
Le témoignage que nous avons retenu dans ce second DVD est celui de René Mayer, brillant polytechnicien, Ingénieur général des Ponts et Chaussées (à ne pas confondre avec son homonyme, homme politique). Pied-Noir, il l'est : Allemand du Palatinat, mais Français d'autres régions. Exploiteur ? pas vraiment : à 12 ans son père a commencé sa vie professionnelle en tant que nettoyeur de locomotives. Son grand-père a émigré. Il faut savoir qu'au XIX ème siècle il y a eu de la misère, y compris chez les Européens.
Il se définit comme un libéral, pas représentatif des Européens, eux dont le moteur principal, face à 8 millions "d'indigènes" a été la Crainte qui s'est traduite dans le double collège, l'institution la plus catastrophique, selon lui, car tout homme politique qui serait représentatif des uns et des autres ne pouvait être élu. Et puis les responsables des Européens d'Algérie n'ont pas eu une véritable culture historique et politique : ils étaient républicains sous Napoléon III, ils soutenaient Giraud contre De Gaulle, qui ne leur a jamais pardonné. Ils ont cru que le "parti de la France" l'emporterait. Erreur. Ils n'ont pas tenu compte de l'évolution du monde musulman, de l'aspiration à la décolonisation. Il y avait bien des contacts sur les bancs de l'école, mais attention : ils ne pouvaient pas approcher une musulmane, sauf rares exceptions.
Et puis, Paris était loin, incapable de prendre une décision courageuse. Si on avait dit aux Européens : On va essayer "ça". Si cela marche, tant mieux, si cela tourne mal, on vous réserve une place, vous et les Algériens pro-Français. Mais on a fait le contraire. Quant à De Gaulle, il avait la tête ailleurs : avoir la bombe atomique pour arbitrer la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS. Si Guy Mollet était resté au pouvoir, il aurait certainement fait une meilleure transition. Mais les gouvernements de la IVème République ne duraient pas plus de 6 mois …
René Mayer rappelle une phrase attribuée à Larbi Ben M'hidi : "Vous avez voulu l'Algérie française, vous aurez la France algérienne !"
Il termine son intervention par un adieu à son ami Mouloud Feraoun (assassiné par un membre fou de l'OAS), d'une telle gentillesse, d'une telle modestie, qui avait eu le mot juste : "On ne s'est pas compris". Lui aussi croyait à une Algérie multiculturelle et fraternelle et il avait dit :
"Nous tracerons notre chemin vers la crête. Ce sera un chemin secret, une sente minuscule."
Voir le cursus de René Mayer via le lien :
http://ledestinduncapitaine-lefilm.fr/biographies/biographie-de-ren-mayer.html
TROISIÈME DVD : PAROLES DE PIEDS-NOIRS
( Un DVD de Jean-Pierre Carlon - www.editionsmontparnasse.fr )
En écoutant les témoignages de ces Français d'Algérie, dont tout tend à montrer qu'ils ont aimé leur pays - ce pays de leurs pères - et l'aiment encore et toujours, on se demande pourquoi les choses qui allaient si bien se sont terminées si mal. C'est pourquoi il faut voir et revoir ce film "Paroles de Pieds-Noirs". Il est intelligemment monté, comme la mer dont les vagues viennent mourir, l'une après l'autre, sur le rivage.
Ces témoignages nous font immanquablement penser à l'exode de 1940. Les Métropolitains, sous le choc d'une défaite militaire inattendue, ont fui vers l'inconnu ami pour ne pas subir l'inconnu ennemi. Mais ils sont ensuite revenus chez eux, et puis il y avait le Général de Gaulle, porteur d'espérance, et la Résistance. Les Européens d'Algérie n'ont pas connu l'exode de 1940, ni la Résistance, encore moins de Gaulle.
En 1962, leurs enfants ont connu de Gaulle, cette fois-ci porteur de désespérance, ils ont pratiqué la résistance - jusqu'à la folie - , puis l'Exode. One way ticket. Pour se retrouver, nez à nez, face à une société civile indifférente. Pour les consoler - si cela peut les consoler - ils sont encore vivants. Quantitativement, ce n'est rien comparé aux déplacements de populations en Europe centrale après la deuxième guerre mondiale ; mais la palme revient certes à la partition de la Péninsule Indienne, sous l'exigence du parti islamique de Jinnah, qui a causé la mort de 7 à 8 millions d'hommes, de femmes et d'enfants.
Nous-même, qui avons connu cette période, nous étions bien content d'être jeune, célibataire, métropolitain et sous l'uniforme. Quant aux Algériens, à part ceux qui se sont installés à bon compte dans les dépouilles des Européens, ils ont payé encore plus cher cette explosion : des centaines de milliers de morts et en prime la désespérance. Pour les consoler - si cela peut les consoler - s'il n'y avait pas eu la rente des hydrocarbures, c'eut été pire.
Pour trancher ce nœud gordien qu'était cette affaire d'Algérie, il eut fallu que les Pieds-Noirs aient eu un - voire plusieurs - bon stratège, ce qui leur a fait défaut pendant 130 ans. Quelle que soit la qualité d'un équipage, en l'absence d'un capitaine compétent, c'est finalement la Méduse ou le Titanic qui se pointe à l'horizon.
Que les jeunes Algériens qui lisent ces ligne se rassurent : tout est toujours possible, même le meilleur. L'Algérie est un beau pays, ils peuvent encore et toujours l'aimer.
QUATRIÈME DVD : LES HARKIS, HISTOIRE D'UN ABANDON
Production : Secours de France et ECPAD (Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense)
www.ecpad.fr/
www.secoursdefrance.com/
http://www.memoirepatrimoine.com/article-reconnaissance-tardive-mais-reconnaissance-101583102.html
Les Harkis, traitres au FLN ? Pourquoi pas ? Traitres à l'Algérie ? Pas plus, pas moins que les autres. En tout cas, ils n'ont eu l'ivresse ni du pouvoir dictatorial, ni de la profitation, ni du fanatisme religieux.
Notre sélection :
http://youtu.be/S6MCSKvP8DA
En 2011, on s'inquiète sincèrement de la crise due aux dettes financières que font les États, sous la responsabilité de leurs gouvernements, à payer par les générations futures. De même, à partir de 1958, la France a créé une dette morale, une dette d'honneur, que les Chefs d'État successifs et leurs gouvernements ont creusée, et qui devra un jour être payée par nos enfants : "le temps approche où les masses affamées du sud envahiront progressivement le nord opulent et cette invasion ne sera ni pacifique, ni fraternelle" (Houari Boumediene - 1964). L'Algérie, elle, a déjà commencé à payer sa dette dans les années 90. Alors pourquoi ? "Parfois le chef, inapte à se décider, consume en interventions accessoires et désordonnées son désir d'influencer quand même sur les événements" (Charles de Gaulle).
Li fet met (le passé est mort) mais pas ses conséquences. Le film "Les harkis, histoire d'un abandon", réalisé par une Roumaine, Marcela Feraru, donc a priori sans a priori, est un très bon film, bien équilibré, bien commenté, et qui démonte un mécanisme de bombe à retardement sociétale, qui n'en a pas fini d'exploser. Il est à visionner par nos responsables politiques, à commencer par le Ministre de la Défense et des Anciens Combattants, à charge pour eux d'en tirer la substantifique moelle. Il faut aussi le faire visionner "bessif " par les membres de l'Education nationale afin qu'ils montrent à leurs élèves comment il est possible de déconstruire la France.
"C'est l'honneur d'un grand peuple d'honorer ceux qui sont morts pour le défendre" - Nicolas Sarkozy, Président de la République française, 11 novembre 2011.
Ce film est un témoignage. "Et ne cachez pas le témoignage : quiconque le cache a, certes, un cœur pécheur. Dieu, de ce que vous faites, est Omniscient." Le Coran, sourate 2, "La vache", verset 283.
INTERVIEW EUROPE 1 PAR Nicolas Poincaré :
• Alain Vircondelet
• Assiya Hamza
http://www.youtube.com/watch?v=co1LZ1YDYnA