OPÉRATION TORCH - Résistance ...
Création le 17 juin 2011
Modification 1 17 septembre 2014
Modification 2 le 1 septembre 2018 : Annonce du débarquement
À Oran, les choses ne se sont pas bien passé, pour la bonne raison que le chef de la Résistance est allé dire à son supérieur hiérarchique que les Américains arrivaient ... et s'est fait immédiatement coffrer ! À Casablanca, les Alliés se sont fait accueillir à coup de canon. À Alger, il en fut tout autrement.
Quelle était l'ambiance ?
Il s'était développé dans cette ville clé de l'Algérie deux types d'organisation :
- l'une orientée vers la préparation d'un débarquement américain, mais sans savoir quand (qui d'autre était apte à débarquer ?) ;
- l'autre orienté vers la propagande (Groupe "Combat").
La première organisation était la plus concrète, la plus secrète aussi. Elle se constitua par contacts personnels extrêmement discrets. Un exemple est donné par Jacques Zermati, 25 ans, blessé en 1940, prisonnier, évadé, rentré en Algérie, son pays, et qui quitte Sétif à tout hasard pour rejoindre Alger, faute de pouvoir aller en Angleterre. Il s'inscrit à la Faculté, et rencontre un ami qui lui dit que la veuve d'un officier supérieur pourrait l'aider. À leur rencontre, elle lui suggère d'aller voir le docteur "Untel" et de lui réciter un petit texte mot de passe. Ce qu'il fait. Le docteur l'examine, sans plus. Zermati lui récite le texte. L'autre lui répond :
- Je ne vois pas du tout ce que vous voulez dire.
Après s'être excusé, Zermati retourne voir la dame, qui est très étonnée, vérifie discrètement, et lui demande de retourner voir ce docteur. Zermati lui re-récite le texte, et son interlocuteur lui répond :
- J'ai eu un moment d'hésitation et j'ai préféré ne pas vous répondre ; il a beaucoup de délateurs et de mouchard ….
Donc, de bric et de broc, s'agglutinent sans se connaître, nombre de personnes qui se découvrent après le débarquement et avec étonnement être des Juifs, des Cagoulards, des Gaullistes, des officiers, diplomates, chefs d'entreprise, etc, et avoir travaillé ensemble, la main dans la main ! (Mais quasiment aucun Arabe, soit que l'absence de relations personnelles n'ait permis les contacts, soit que l'inintérêt l'ait emporté).
La règle d'or était le super secret. Les rencontres avaient lieu par exemple dans une salle de gymnastique, pour faire plus naturel. En prenant le contrôle de la Préfecture, Jacques Zermati a eu la curiosité rétrospective de faire un tour aux archives de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire) pour s'apercevoir que son réseau était totalement inconnu. Imaginez donc la surprise des autorités en apprenant "au son du canon" l'arrivée des Américains.
L'objectif était de rassembler un nombre de personnes décidées à neutraliser les centres nerveux administratifs et militaires d'Alger, en occupant la Préfecture, le Central Téléphonique, l'État Major, l'Amirauté, tout cela en pleine nuit, avec des armes hétéroclites, ainsi que de faire prisonniers tous les responsables, de faire donner des ordres contradictoires aux unités militaires, de milice et de gendarmerie, et enfin d'accueillir les Américains à leur débarquement.
800 étaient volontaires, 400 se sont présenté à l'heure H, et cela a suffi à paralyser Alger le temps nécessaire pour passer la main aux Américains, lesquels ne se hâtaient pas de débarquer en pleine nuit, et, qui plus est, n'avaient aucune confiance en ces Résistants. En outre, le débarquement s'est déroulé dans un cafouillage de débutants, qu'aurait certainement exploité l'armée française, et mieux encore l'armée allemande qui débarqua aussitôt à Tunis.
Et pourtant les choses avaient bien commencé. Le général Clark, lui-même, adjoint au chef de l'Opération Torch, avait sauté d'un sous-marin dans un kayak, par une mer démonté, pour une rencontre avec les chefs de la Résistance. Ce manège avait été aperçu par un voisin, qui, pensant à des contrebandiers, et souhaitant toucher la prime, avait prévenu la police. Heureusement, la Résistance avait prévu une contre-mesure : garnir la table du salon de bouteilles de vin vides devant lesquelles était attablé un groupe de joyeux fêtards … La police n'y avait vu que du feu, et le général Clark était reparti en kayak porté dans les premiers rouleaux sur les épaules des Résistants !
La mission de Jacques Zermati était d'occuper la Préfecture. Les Résistants ont convergé par petits groupes vers un garage où on leur distribuait voitures de liaisons, armes trop graissées, munitions pas forcément du même calibre, vrais-faux ordres de mission et brassards. Les brassards étaient identiques à ceux de la Milice qui avait été créée pour protéger les points stratégiques contre les Résistants éventuels. Quoi de plus naturel pour ceux-ci que de s'approprier ces brassards et les arborer pour accomplir leur mission.
Le groupe, en uniforme très approximatif, arrive à la Préfecture. Il avait tout prévu, sauf que la porte était fermée, et qu'il avait beau frapper, elle ne s'ouvrait pas. Arrive la police, alertée par le vacarme. Zermati présente son ordre de mission ; protéger la Préfecture. Le policier, avec une grande conscience professionnelle, : "Ouvrez, Police !" Finalement la porte s'ouvre, Zermati remercie le policier qui a fait son devoir, et se précipite vers les appartements du Préfet. Celui-ci, qui dort avec son épouse, est réveillé en sursaut. Devant l'arme braquée, il obtempère, mais dit :
- Vous êtes un gentleman, je vous demanderai de sortir de la chambre pendant que mon épouse s'habillera.
Ce à quoi Zermati répond :
- Ce n'est pas la première fois que je vois une dame en cette tenue, je vous promet que je fermerai les yeux moralement.
Tous les occupants sont enfin réunis dans le salon, et la dame propose une tasse de thé. Proposition acceptée, et la réception mondaine se poursuit, Le Préfet prend le jeune Zermati à part :
- Je suis fidèle au Maréchal Pétain, et je vous assure que demain je vous ferai fusiller !
Mais quelques moment plus tard, la canonnade débute, et Zermati annonce au Préfet :
- J'ai l'honneur de vous annoncer que les Américains viennent de débarquer !
Surprise totale ! Jacques Zermati emmène le Préfet Temple sur la terrasse de la Préfecture voir le feu d'artifice déclenché par deux torpilleurs américains vers les projecteurs du port braqués sur eux.
Sur les plages, les Américains, s'attendant à une forte résistance, sont restés couchés en attendant le jour, ignorant le mot de passe "Whisky" auquel il fallait répondre "Soda". Jean Daniel, qui faisait partie du comité d'accueil, a bien failli se faire canarder lorsque les Américains ont entendu quelqu'un crier dans le noir "Whisky". Ils n'avaient même pas été prévenus par leurs chefs qu'ils pouvaient alors débarquer "l'arme à la bretelle".
Pendant ce temps, à la Préfecture, les choses se gâtent. En effet, les gardes mobiles encerclent le bâtiment et mettent des mitrailleuses en batterie.
- Rendez-vous, jeunes gens, tente le colonel de gendarmerie, vos amis, en pleurs, ont déjà rendu leurs armes !
- Pas question, répondent les assiégés, qui ont le Préfet en otage.
Une négociation s'engage, et dans la mesure où les Américains ont débarqué, l'occupation de la Préfecture n'est plus stratégique, et les Résistants s'en retournent, en armes, les rendre au garage, puis rentrent chez eux, tout simplement. La victoire était totale. Heureusement.
Et si ce débarquement avait échoué ?