TIBEHIRINE : DES HOMMES ET DES DIEUX


Voir la video :
http://youtu.be/jim9PDTMIoc

 

 Création le 14 septembre 2010

Modification 2 le 9 mai 2012 : Video du monastère

C'est un fait divers. Sans lui très peu de personnes connaîtraient l'existence de Tibehrine : 7 moines français arrachés à leur monastère et pris en otage par des Algériens. Quelques jours plus tard on retrouvera leurs têtes dans des sacs en plastique. Il n'y aura aucune explication. Mais il y aura un film - splendide - de Xavier Beauvois. Durée 2 heures. On ne se croit pas dans une salle de cinéma, mais dans le monastère lui-même, au beau milieu de vrais moines qui s'interrogent : faut-il quitter - donc fuir - , ou rester, donc risquer une mort permanente ?


Le wali (préfet) de l'Atlas leur propose une présence de l'armée, qu'ils refusent, par dignité. Il leur propose ensuite de partir en raison de la situation confuse, dérivée selon lui en partie à la colonisation. C'est vrai et c'est faux à la fois. Le fait que la colonisation ait mal tourné n'est pas uniquement imputable aux Français. On rappellera à ce propos le tract d'un nationaliste algérien en fin de la deuxième guerre mondiale : "Un Algérien ne pourra jamais être un Français". Quel mépris envers ceux des Algériens qui ont été, qui sont et qui seront Français !

Quelle remarquable réaction d'une villageoise quand un frère lui dit : " Nous ne savons pas si nous devons rester, nous sommes comme des oiseaux sur la branche", et elle de répondre : "Nous sommes les oiseaux, et c'est vous qui êtes la branche".

Qu'elle est attendue, cette réaction d'un lieutenant de l'armée algérienne qui soupçonne, à juste titre, les moines de soigner tout un chacun, y compris les rebelles islamistes. Il risque sa vie et celle de ses hommes, sur ordre, contre une rebellion impitoyable,  et l'attitude des moines est pour lui de la lâcheté.

Et qu'elle est inattendue, cette réaction du chef rebelle, venu, sans succès, réclamer des médicaments, et qui termine en arabe la sourate du Coran commencée en français par le frère Christian. Le tout se terminant par une poignée de main en hommage à Sidna Aïssa (Jésus), dont c'est ce jour-là l'anniversaire.

À mesure qu'on comprend que la fin approche, ceux qui estiment que leur devoir est de rester réussissent à convaincre ceux qui ne voyaient pas l'intérêt de finir en martyr. Cette fin, qui est magnifiée par un repas sublime, ponctué par la dégustation de deux bouteilles de vin qu'un frère a ramenée de retour de "perm".





 Jamais, au grand jamais, ceux qui auront vu ce film n'écouteront le Lac des Cygnes de Piotr Ilitch Tchaïkovski de la même manière. Le crescendo implacable de cet extrait archi-connu de l'Opéra avive l'émotion devant une communion des saints qui savent ...

Ce qui devait arriver arrive : l'effraction des portes, la capture des moines, l'évanouissement de la colonne dans le brouillard neigeux ...

Nous conclurons par ce texte écrit par l'un des sept moines (Christian) :

"Depuis qu'un jour il m'a demandé tout à fait à l'improviste de lui apprendre à prier, Mohamed a pris l'habitude de venir s'entretenir avec moi, c'est un voisin.
 

Un jour, il trouva la bonne formule pour solliciter un rendez-vous :
- Il y a longtemps que nous n'avons pas creusé notre puits !
Une fois, par plaisanterie, je lui posai la question :
- Au fond de notre puits, qu'est-ce que nous allons y trouver, de l'eau musulmane ou de l'eau chrétienne ?
 

Il m'a regardé, mi-rieur, mi-chagrin :
- Tout de même, il y a si longtemps que nous marchons ensemble, et tu poses encore cette question ! Tu sais, au fond de ce puits-là, ce qu'on trouve ... c'est de l'eau de Dieu !"
 


Cet article est dédié à nos amis, les villageois de Tibehrine.