LES MOULINS DE DUNANT



Création le 3 décembre 2009

Extrait de l'ouvrage demeuré inachevé "L'avenir sanglant", écrit dans les dernières années de la vie de Henry Dunant

Henry Dunant est né à Genève le 8 mai 1828.

À vingt-cinq ans, le voici en Algérie, caissier de la compagnie genevoise des colonies de Sétif. Il n'y tiendra pas longtemps. À Genève, le Conseil d'Administration reçoit de cet employé subalterne, des rapports qui surprennent désagréablement : "Les colons se sont aliénés les indigènes et l'état moral du gérant paraît au niveau de ce qu'il y a de pire à Sétif."


Indigné, Dunant découvre la brutalité des moyens mis en œuvre pour exploiter des terres fraîchement conquises en abusant, le plus souvent, de la main d'œuvre locale.
Sa conscience le lui ordonne : il rompt avec ses employeurs. Poussant à l'est, il parcourt cette plaine admirable qu'entourent les hauteurs de la petite Kabylie et jette son dévolu sur l'oued Safsaf à 17 kilomètres d'un site que les Romains, déjà, avaient choisi pour sa beauté : Djemila.


Il y construit, avec l'entière approbation des services français du Génie "une usine à blé à quatre paires de meules", appelée à être le centre de l'importante entreprise industrielle, commerciale et agricole qu'il entend créer.

Reste à obtenir les concessions voulues pour produire blé et fourrage. Simple formalité : les terres sont données à qui veut les prendre. Or, voici où le drame se noue : l'Administration fait la sourde oreille. Elle ne refuse pas mais n'accorde pas. De bureau en bureau, à Alger d'abord, à Paris ensuite. Dunant s'épuisera pendant plus de quatre ans en vaines antichambres. Pourquoi ?

Parce que l'imprudent n'a pas caché que chez lui, l'ouvrier sera heureux et bien payé. Pire encore, il prévoit que ses employés participeront aux bénéfices de l'affaire. Car, dit-il, les deux éléments, européens et indigènes, doivent "se prêter un concours réciproque, loyal et bienveillant". Son crime est clair : il va gâcher le marché du travail. On saura l'en empêcher.

Mais les moulins, hélas ! Ils ne tournent guère faute de terre à blé, et produisent plus de dettes que de farine. Les comptes s'inscrivent dans le rouge. On bouche les trous à l'aide d'emprunts.

D'un coup, c'est la catastrophe : en 1867, une banque genevoise, qui aurait avancé de l'argent, tombe en faillite. Tout le château de cartes s'écroule. Mis en demeure de payer, Dunant donne jusqu'au dernier sou, tout ce qu'il a. Sa ruine est totale...

Extrait de la préface par Pierre Boissier - directeur de l'institut Henry Dunant - de la réédition de "La Régence de Tunis" de Henry Dunant - Société tunisienne de diffusion - 1973 (première édition : 1858)

Dunant est le créateur de la Croix Rouge.