CONCLUSION DE TALLEYRAND
Création le 1 décembre 2009
Le premier consul m'ayant ordonné de lui rendre compte en sénat des différends survenus récemment entre la République française et la régence d'Alger, et du succès des mesures qui ont été prises pour les terminer, je dois d'abord rappeler l'état de choses qui les a précédées.
........................... Suivent des considérations sur les différences des droits des gens "des frontières de l'Égypte au détroit de Gilbraltar" ..........................
La régence d'Alger s'est particulièrement signalée par une audace que quelques événements durent accroître.
Charles-Quint tourna contre l'Afrique ses armes victorieuses : il voulait délivrer l'Europe des incursions des Barbaresques et les réduire à l'impuissance ; mais le succès trompa son attente et ne répondit point à la grandeur de ses préparatifs.
Dans des temps postérieurs, Louis XIV vengea sur les Algériens l'honneur du pavillon français. Alger fut, par ses ordres, bombardé trois fois dans l'espace de six années ; mais là dut se borner sa vengeance. Les affaires d'Europe réclamaient toute son attention. Du moins les Algériens apprirent-ils dès lors à craindre et à respecter la France, et la paix qui fut conclue en 1689 subsistait depuis plus d'un siècle lorsque les instances et les ordres de la sublime Porte la firent rompre en l'an 7.
Des ennemis qui restaient à la France lorsque le premier consul prit les rênes du Gouvernement, la régence d'Alger était la moins redoutable ; mais le premier consul désirant de faire cesser partout les calamités de la guerre, instruit que le dey d'Alger l'avait déclarée contre son inclination et qu'il souhaitait la paix, fit partir pour Alger un négociateur. Précédé par la renommée des exploits dont l'Italie, l'Allemagne, l'Egypte, la Syrie avait été le théâtre, l'envoyé du premier consul fut accueilli comme il devait l'être. La paix fut arrêtée, proclamée même dans le divan.
Cependant, une nouvelle intervention de la sublime Porte en fit ajourner la signature. La guerre parut renaître ; mais ce fut une guerre sans hostilités. Tous les Français purent se retirer librement d'Alger avec toutes leurs propriétés, et l'agent de la France attendit à Alicante le moment où les négociations pourraient être reprises.
Enfin un traité définitif qui assure à la France tous les avantages stipulés dans les traités anciens et qui, par des stipulations nouvelles, garantit plus explicitement, et mieux, la liberté du commerce et de la navigation française à Alger, fut signé le 7 nivôse dernier.
La paix générale étant conclue, et le commerce commençait à reprendre ses routes accoutumées.
Mais bientôt on apprend que des armements d'Alger parcourent la Méditerranée, désolent le commerce français, infestent les côtes. Le pavillon et le territoire même de la République ne sont pas respectés par les corsaires de la régence. Ils conduisent à Alger des transports sortis de Toulon et destinés pour Saint-Domingue. Ils arrêtent un bâtiment napolitain dans les mers et presque sur les rivages de France. Un raïs algérien ose, dans la rade de Tunis, faire subir à un capitaine de commerce français un traitement infâme. Les barques de la compagnie du corail qui, aux termes du traité vont pour se livrer à la pêche, sont violemment repoussés des côtes. Le chargé d'affaires demande satisfaction et ne l'obtient pas ; on ose lui faire des propositions injurieuses à la dignité du Peuple français : on veut que la France achète l'exécution du traité !
Informé de ces faits, le premier consul ordonne qu'une division navale se rende devant Alger.
............. Lecture de la lettre de Bonaparte à Mustapha Pacha .................
Quelques fussent les dispositions intérieures du Dey, il ne montra que le désir de vivre en bonne intelligence avec la République française.
"Je veux, dit-il, être toujours l'ami de Bonaparte."
Il promit et donna réellement toutes les satisfactions demandées.
Pour rendre un hommage particulier au premier consul dans la personne de son envoyé, il voulut même s'écarter des formes ordinaires, et contre l'usage immémorial des régences, il reçut dans le plus magnifique kiosque de ses jardins l'officier du palais, le chargé d'affaires de la République, le contre-amiral Leissègues et son nombreux état-major. C'est là qu'il remit au général Hulin la réponse qu'il avait préparée pour le premier consul et dont la teneur suit :
................ Lecture de la lettre de Mustapha Pacha à Bonaparte ...................
En terminant ce rapport, je dois dire au premier consul que l'adjudant commandant du Palais Hulin et le contre-amiral Leissègues ont rempli avec noblesse, fermeté et mesure la commission qui leur était confiée.
Charles-Maurice Talleyrand