RÉPONSE DE MUSTAPHA
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Palais de Mustapha Pacha à Alger |
Création le 26 novembre 2009
Modification 1 : 27 mars 2013
Modification 2 : 7 février 2019 - Le palais du dey ainsi que la liste des deys d'Alger de 1718 à 1830 (en fin d'article)
RÉPONSE du Dey d'Alger Mustapha Pacha remise au général Hulin à l'attention du Premier Consul Napoléon Bonaparte :
"Au nom de Dieu seul, de l'homme de Dieu, maître de nous, illustre et magnifique seigneur Mustapha-Pacha, Dey d'Alger, que Dieu laisse en gloire,
A notre ami, Bonaparte ! Premier consul de la République française, Président de la République italienne, Je vous salue, la paix de Dieu soit avec vous.
Ci-après, notre ami, je vous avertis que j'ai reçu votre lettre datée du 29 messidor, je l'ai lue ; elle m'a été remise par le général de votre palais, et votre vékil* Dubois-Thainville. Je vous réponds article par article.
1° - Vous vous plaignez du raïs Ali-Tatar. Quoiqu'il soit un de mes joldaches**, je l'ai arrêté pour le faire mourir. Au moment de l'exécution, votre vékil a demandé sa grâce en votre nom, et pour vous, je l'ai délivré.
2° - Vous me demandez la polacre*** napolitaine prise, dites-vous, sous le canon de la France. Les détails qui vous ont été fournis à cet égard ne sont pas exacts ; mais, selon votre désir, j'ai délivré dix-huit chrétiens composant son équipage : je les ai remis à votre vékil.
3° - Vous demandez un bâtiment napolitain qu'on dit être sorti de Corfou avec des expéditions françaises. On n'a trouvé aucun papier français ; mais, selon vos désirs, j'ai donné la liberté à l'équipage, que j'ai remis à votre vékil.
4° - Vous demandez la punition du raïs qui a conduit ici deux bâtiments de la République française. Selon vos désirs, je l'ai destitué ; mais je vous avertis que mes raïs ne savent point lire les caractères européens ; ils ne connaissent que le passeport d'usage, et pour ce motif, il convient que les bâtiments de guerre de la République française fassent quelque signal, pour être reconnus par mes corsaires.
5° - Vous demandez 150 hommes que vous dites être en mes États. Il n'en existe pas un. Dieu a voulu que ces gens se soient perdus, et cela m'a fait de la peine.
6° - Vous dites qu'il y a des hommes qui me donnent des conseils pour nous brouiller. Notre amitié est solide et ancienne, et tous ceux qui chercheront à nous brouiller n'y réussiront pas.
7° - Vous demandez que je sois ami de la République italienne. Je respecterai son pavillon comme le vôtre, selon vos désirs. Si un autre m'eût fait pareille proposition, je ne l'aurais pas acceptée pour un million de piastres.
8° - Vous n'avez pas voulu me donner les 200 000 piastres que je vous avais demandées pour me dédommager des pertes que j'ai essuyées pour vous. Que vous me les donniez ou que vous ne me les donniez pas, nous serons toujours bons amis.
9° - J'ai terminé avec mon ami Dubois-Thainville, votre vékil, toutes les affaires de la Calle, et l'on pourra venir faire la pêche du corail. La compagnie d'Afrique jouira des mêmes prérogatives dont elle jouissait anciennement. J'ai ordonné au bey de Constantine de lui accorder tout genre de protection.
10° - Je vous ai satisfait de la manière que vous avez désiré pour tout ce que vous m'avez demandé, et pour cela, vous me satisferez comme je vous ai satisfait.
11° - En conséquence, je vous prie de donner des ordre pour que les nations mes ennemies ne puissent pas naviguer avec votre pavillon et avec celui de la République italienne, pour qu'il n'y ait plus de discussion entre nous, parce que je veux toujours être ami avec vous.
12° - J'ai ordonné à mes raïs de respecter le pavillon français à la mer. Je punirai le premier qui conduira dans mes ports un bâtiment français.
Si à l'avenir il survient quelques discussions entre nous, écrivez-moi directement, et tout s'arrangera à l'amiable.
Je vous salue, que Dieu vous laisse en gloire.
Alger, le 13 de la lune de Rabiad-Ewel l'an de l'hégire 1217".
* vékil : agent légal dans l'empire ottoman
** joldache : ???
*** polacre : la polacre était un des innombrables petits navires, aux formes et au gréement aussi gracieux que variés, et dont les vives couleurs égayaient les ports à l'époque de la marine à voile. Selon l'importance de son tonnage, la polacre avait deux ou trois mâts : celui de l'avant, très incliné, portait une grande antenne sur laquelle était gréée une voile latine appelée polacre (d'où le nom du navire lui-même), voile assez semblable à un foc et qui servait tant à la propulsion qu'aux évolutions ; le grand mât et le mât d'artimon portaient un gréement classique de vaisseau, mais en rapport avec le tonnage du navire, autrement dit fort réduit.
La polacre était utilisée pour le trafic côtier des marchandises et pour la pêche.
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LE GRAND PALAIS DU DEY
Le grand palais a été construit par le dey Mustapha Pacha en 1797 qui le destinait à sa famille. II ne se rendait à son habitation particulière que le jeudi, encadré par ses gardes qui, l'escortant à l'allée, venaient le reprendre le lendemain à midi.
Mais l'infortuné Mustapha habita peu sa luxueuse demeure. À la suite d'une émeute suscitée par ses adversaires, il fut destitué par les janissaires et tué au seuil d'une mosquée où il avait tenté de se réfugier et " dont la porte se referma devant lui ".
Ce joyau architectural abritera la bibliothèque nationale et le musée d’Alger entre 1863 et 1850. La porte principale ornée de clous de bronze est coiffée d’un magnifique auvent en bois de cèdre sculpté. Elle s’ouvre sur trois vestibules dont le premier, de forme carrée, orné d’une double niche, était réservé aux gardiens. Les murs de Dar Mustapha Pacha sont habillés de carreaux de faïence (environ 500 000) d’origine italienne et hollandaise. Certains provenant de Delft représentent des voiliers de toutes sortes.
C’est par la sqifa aux bancs de marbre que l’on pénètre dans le patio : wast el dar, qui est orné d’un joli vasque. Cette demeure ottomane occupe un rez-de-chaussée de 709 m2, trois étages ainsi que des caves (209 m2). On raconte que le dey Mustapha Pacha qui résidait au palais de la Djenina situé à proximité aimait s’y rendre le jeudi après-midi pour n’en sortir que le vendredi à midi pour la prière.
Le dey Ahmed, successeur de Mustapha Pacha, confisquera ce palais en même temps que Dar El Souf. Après la conquête française en 1830, Dar Mustapha Pacha fut occupée par le général de Trobriant, ancien aide de camp de Davout. En 1834, cette demeure fut remise entre les mains d’Ibrahim, fils de Mustapha Pacha. Les douiras appartenant à ce palais furent occupées en 1835 par le pharmacien en chef de l’armée. En 1846, le secrétaire général du gouvernement s’y installa.
Les héritiers de Mustapha Pacha qui avaient contracté des emprunts furent dans l’incapacité de les rembourser. Ce palais fut alors vendu à l’État le 15 octobre 1859 pour la somme de 100 000 francs. Il servit de siège à la bibliothèque nationale. Aujourd’hui, l’ex-palais de Mustapha Pacha abrite le musée de la gravure et de la miniature.
LISTE DES DEYS D'ALGER
• Muhammad III ben Hassan 1718-1724
• Abdy Pasha 1724-1732
• Ibrahim ben Ramdan 1732-1745
• Kutchuk Ibrahim 1745-1748
• Muhammed IV Pasha 1748-1754
• Baba Ali II Pasha 1754-1766
• Muhammad V ben Othman 1766-1791
• Baba Hussein 1791-1799
• Mustapha VI ben Ibrahim 1799-1806
• Ahmed ben Ali 1806-1808
• Ali III ben Muhammad 1808
• Le Hadji Ali ben Khrelil 1808-1815
• Hadji Muhammad 1815
• Umar ben Muhammad 1815-1817
• Ali IV Pasha 1817
• Muhammad VI ben Ali 1817
• Ali V ben Ahmed 1817-1818
• Hussein ben Hassan 1818-1830