SIDI BOUMEDIÈNE




Création le 4 septembre 2017



 Sari-Ali Hikmet est médecin et docteur en science du texte littéraire.
 Il est maître de conférences en littérature contemporaine de l'Université de Tlemcen et enseignant associé à l'Université d'Oran en littérature comparée.
 Auteur de traductions de textes soufis et conférencier dans plusieurs congrès nationaux et internationaux sur le soufisme et les zaouïas, il travaille sur les champs du patrimoine immatériel soufi qu'il met en écho avec la littérature maghrébine d'expression française.
 Il est également l'auteur de récits de voyages initiatiques et co-auteur de romans historiques sur la Révolution algérienne.
 Il est membre fondateur de l'Union nationale des Zaouïas d'Algérie dont il préside le Conseil culturel ainsi que Président du conseil scientifique de la Fondation de l'Émir Abdelkader, section Tlemcen. 

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Nous empruntons à Tlemcendz la biographie de Sidi Boumediène :

Choaib Ibn Hocine El Andaloussi surnommé Aboumediene El Ghouts et dans le langage populaire Sidi Boumediène est né à Séville en 1126. Il étudia à Fès, auprès de maîtres de grand renom.

Principalement, il fut élève du Cheikh Abou Yeza, qui l'initia aux secrets du soufisme. Quittant Cheikh Abou Yeza, pour prendre le chemin de l'Orient, ayant déjà acquis la renommée de théologien consommé, il arriva à Tlemcen et comme il cherchait la solitude, il se retira au dessus d'El Eubbad, auprès du tombeau de Ouali Sidi Abdellah Ben Ali.

 
Après un séjour d'une certaine durée, il dit adieu à Tlemcen qu'il ne devait revoir qu'une fois, longtemps après, et pour y mourir. Il se dirigea vers l'Orient, s'arrêtant à toutes les villes importantes qui se trouvaient sur sa route.


Arrivé à la Mecque, il fit connaissance avec Cheikh Sidi Abdelkader El Djillali qui compléta alors son instruction sur la doctrine soufie et fit de lui son disciple bien aimé.


Sidi Boumediène voyageait beaucoup. Il professa à Baghdad, à Séville, à Courdoue, à Bougie. A la mort de son maître, il devint le plus célèbre de tous les Cheikhs que ce ouali avait formé à son école.


Renoncement au monde, contemplation des mystères divins, recherche des secrets du spiritualisme : c'était un soufì parfait. D'une éloquence rare, il en fut, durant sa vie, un des propagandistes les plus autorisés.


Il s'établit définitivement dans cette dernière ville où la science était alors en grand honneur, entouré de la vénération publique, "à la connaissance approfondie des dogmes de l'islam, il gagnait celles des lois morales, mais ce qui le distinguait de tous les autres savants de son siècle, à un degré éclatant, c'était la perspicacité merveilleuse avec laquelle il avait sondé les mystères de la vie spirituelle. Rien n'était caché pour lui des choses du monde invisible".
 

Il avait écrit plusieurs traités de doctrines spiritualistes et il se plaisait à composer des poésies allégoriques, il fut surnommé le Cheikh des Cheikhs, le ouali, c'est à dire l'ami de Dieu, le Saint, le Kotb, ce qui signifie littéralement le pôle, dans le langage mystique du soufisme.

C'est le Saint par excellence, le Routs. C'est également un être unique qui occupe un degré plus élève encore dans l'échelle mystique. Il est le recours suprême des affligés, le sauveur.
Il quitta Bougie à l'appel du Sultan Abou Youcef Yacoub El Mansour, Sultan Almohade. pour Marrakech. Arrivé à Ain Tekbalet, aux environs de Tlemcen, Sidi Boumediène indiqua à ses compagnons le Ribbat d'El Eubbad, puis il s'écria, comme inspiré : "combien ce lieu est propice pour y dormir en paix de l'éternel sommeil".


À sa mort, Il dit d'une voix éteinte : "Dieu est la vérité suprême. Allah Oua El Hak". Il est mort en1197 / 98, à l'âge de 75 ans.


Il faut absolument écouter et ré-écouter l'allocution en forme d'homélie que lui a consacrée, en 2016, Sari-Ali Hikmet  à l'occasion du 9ème centenaire de sa naissance à Cantillana, non loin de Séville (Espagne) :


 https://www.youtube.com/watch?v=VzMP7r_QuDc



Mais Tlemcen a conservé la mémoire de ce saint homme en édifiant la mosquée qui lui est dédiée :


Et pourquoi ne pas poursuivre par une chanson sur une musique typiquement algérienne ? :

https://www.youtube.com/watch?v=JbYbcqE6gGg

ou par un chant soufi ?

https://www.youtube.com/watch?v=NUFsARZkgUk
 

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Venons-en au livre consacré par Sari-Ali Hikmet à "Sidi Boumediène, Poète de l'Amour absolu".

C'est un livre en français et en arabe, où, dans l'avant-propos et dans l'introduction, l'auteur donne toute précision  sur ce que représente le poète pour la population attentive de Tlemcen et d'ailleurs :

"Dès le berceau jusqu'aux soirées musicales andalouses lors des cérémonies de mariage entre autres, les enfants de Tlemcen sont abreuvés par les poèmes de Sidi Boumediène, le maître spirituel de la cité. L'un d'eux a même fait l'objet d'une adaptation musicale sous forme de valse. La richesse de ces poèmes fait qu'ils sont écoutés aussi bien par les jeunes en mal d'amour que par des sheikhs qui se préparent au voyage suprême ... J'ai ressenti cette émotion en tant que fils de Zaouïa puis qu'en tant qu'amoureux de la littérature, enfin tout simplement en tant qu'être humain."

Tocqueville disait que les démocraties ont besoin de l'énergie spirituelle. Malraux a rajouté "Le XXIème siècle sera Mystique ou ne sera pas". Et Sari-Ali Hikmet de compléter : "Un ouvrage sur la poésie de Sidi Boumediène est un travail d'actualité".

Nous n'aurons pas la prétention de résumer la cinquantaine de poèmes mystiques présentés dans le livre. Simplement une image :
"Comme un rossignol dans la main d'un enfant qui l'étreint
Et qui goûte aux affres de la mort alors que l'enfant joue.
Ni l'enfant n'a de raison qui le rende capable  de compassion,
Et ni l'oiseau n'a de plumes qui lui permettent de s'envoler et de partir."

Reprenons aussi la conclusion de l'auteur :

"En attendant ce moment, que faire ? Il nous reste la poésie et la prière. Mais où est l'actualité de tout cela ? Nous vivons dans un monde de technicité où l'Absent est absent. L'Occident a fait le deuil de cette absence, au prix de l'ab-sens, c'est-à-dire la perte du sens. Sidi Boumédiène à travers ses poèmes rend la présence et redonne du sens."

Nous avons longuement écouté les chants soufis, graves et calmes, dans la Zaouïa de Sari-Ali Hikmet, à son invitation. Souhaitons qu'ils retentissent aussi dans le monde méditerranéen.