LA FRANCE ARABO ORIENTALE
Création le 23 juin 2017
La France a été plus ou moins métissée depuis des millénaires : il y a eu la France phénicienne, en Bretagne , la France grecque à Marseille, la France numide à Corseul, sans compter les Vikings en Normandie et en Bretagne, les Alains et les Germains, les Vandales, les Celtes d'Irlande, etc ...
Comme les Algériens forment la plus importante "identité" sud méditerranéenne, c'est à la rubrique "Algérie" qu'est dédiée cette recension.
LA FRANCE ARABO ORIENTALE est une longue histoire qui commence au VIII ème siècle (et même avant, pour la défense de l’Empire romain), au moment des conquêtes arabo-numides et traverse 13 siècles d’histoire de France, avec les présences de populations maghrébines, proches-orientales et ottomanes dans l’Hexagone.
Charlemagne recevant les Sarrasins |
Celles-ci ont contribué à bâtir l’histoire politique, culturelle, militaire, religieuse, artistique et économique de ce pays, de l’Empire carolingien de Charlemagne à la République actuelle : des Sarrasins à la citoyenneté.
L'Ambassadeur du Maroc |
RÊVES D’ORIENT - 1798/1871
De l’expédition d’Égypte par le général Bonaparte à l’inauguration du Canal de Suez par l’Empereur Napoléon III, le temps est à la passion orientale. Paris se présente alors comme la « capitale de l’Orient » en Europe : de l’obélisque de Louxor, place de la Concorde, aux expositions universelles ou coloniales, en passant par le contact des Français avec l’Émir Abd el-Kader, les stages d’étudiants égyptiens en France. Le zouave devient le gardien du pont de l’Alma, alors que Napoléon III veut répandre le rêve du Royaume arabe.
L’héroïsme des Turcos combattant les Prussiens sur le sol de France, en 1870, est la fin d’une époque. La troisième république renforce la colonisation de l’Algérie qui se révolte dans l’indifférence générale …
PREMIÈRES RENCONTRES - 1872/1913
Au choc de la défaite de 1870 succède l’extension de l’empire colonial dont la surface est multipliée par dix. Aux expositions coloniales de Paris et d’ailleurs, le folklore « de style mauresque » fait recette. La France devient aussi le carrefour des intellectuels du monde arabe et le ferment d’une dynamique réformiste.
En 1889, la France compte trois fois plus d’étrangers qu’au début du second Empire, avec un afflux de travailleurs coloniaux en métropole, en particulier des Kabyles, surtout que les « permis de voyage » du code de l’indigénat en Algérie sont supprimés. Mais il y a aussi des Libanais, des Arméniens. L’Islam n’est pas alors un objet de crainte. L’Illustration de juillet 1913 : « Les tirailleurs furent, tous ces jours-ci, les enfants chéris de notre capitale. »
L’APPEL AUX COLONIES ET AUX TRAVAILLEURS - 1914/1918
L’appel est entendu, particulièrement par le sultan du Maroc : 20 000 Algériens, 8 000 Tunisiens, près de 4 000 Marocains débarquent en métropole. Au Maroc on atteindra 45 000 combattants et autant d’ouvriers. En Tunisie, plus de 70 000. En Algérie, 85 000 appelés et autant d’Européens d’Afrique du Nord…
RÉFUGIÉS, OUVRIERS, MILITANTS - 1919/1939
L’entre-deux-guerres est une période de troubles et d’inquiétudes profondes liées à la crise économique et à l’instabilité de l’Europe. Cette situation suscite des réactions xénophobes amplifiées par la politisation d’une partie de l’immigration arabe-orientale, de l’internationale du communisme et de l’islamisme. Une série de conflits, dont la guerre du Rif, encouragent les départs. Marseille, Paris, le nord-est de la France. Les conditions de logement sont déplorables … Le 15 juillet 1926, la Grande Mosquée de Paris est inaugurée par le Président de la République Gaston Doumergue en présence de Moulay Youssef, sultan du Maroc, en tant que symbole de la reconnaissance par la France du sacrifice des soldats coloniaux durant la Grande Guerre.
Fin de Ramadan à la Mosquée de Paris |
Mission algérienne à Paris |
D’UNE GUERRE À L’AUTRE - 1940/1956
« Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » Georges Mandel, ministre des Colonies veut faire venir 300 000 travailleurs. C’est bien peu face à une armé allemande mécanisée. Après la défaite, la propagande allemande est incessante auprès des Nord Africains, en particulier pour construire d’énormes chantiers de fortification. La population nord africaine devient une cible, et une brigade nord africaine se met au service des Allemands pour lutter contre la Résistance. Mais la plus grande partie d’entre eux reste attentiste.
La contribution des combattants nord africains est un épisode majeur de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. 250 000 combattants après les débarquements en Provence au cours de l’été 1944 contribuent à la capitulation allemande, alors qu’une révolte éclate dans le Constantinois.
Le monde arabo-oriental est en pleine mutation, et l’immigration est croissante pendant les « Trente Glorieuses ». Et la loi du 20 septembre 1947 donnant la citoyenneté française aux Algériens enlève tout obstacle juridique à leur immigration. De plus le sport est un espace de reconnaissance populaire pour des athlètes venus du Maghreb : le boxeur pied-noir Marcel Cerdan - « le Bombardier marocain » - et le marathonien oranais Alain Mimoun.
La population étudiante croit également. Elle est nationaliste et fait face à un racisme croissant. Le parti de Messali Hadj s’implante profondément en métropole, et le FLN (Front de Libération Nationale) nait d’une scission au sein du courant messaliste. Les deux partis veulent chacun s’imposer par la violence. Le conflit d’Algérie s’étend en métropole, avec son cortège d’assassinats, d’attentats et de manifestations.
L’expédition franco-britannique en Égypte est un succès militaire et un échec politique. L’année 1956 marque clairement la fin d’une époque inaugurée en 1830, et le temps colonial est en train de s’achever dans le sang.
DES INDÉPENDANCES À LA FIN DES TRENTE GLORIEUSES 1957/1972
L’enlisement de la guerre d’Algérie favorise le retour au pouvoir du général de Gaulle. Le règlement (qui pourrait être qualifié de médiocre) de l’affaire algérienne. La France semble de retour auprès du monde arabe. Si les Arméniens connaissent une remarquable ascension sociale, il n’en va pas de même pour les Maghrébins. Les violences entre militants nationalistes algériens s’accompagnent d’affrontements avec les forces de l’ordre. le 5 octobre 1961, une manifestation de force du FLN à Paris conduit à une répression brutale de la police, suivie par une vague d’attentats de l’OAS. En retour, une manifestation « pacifique » à l’appel des organisations de gauche conduit à une charge brutale de la police parisienne.
L’indépendance de l’Algérie a pour la conséquence (attendue) d’un exil massif de plus d’un million d’Européens, de Juifs, (et de musulmans fidèles à la France). Les « harkis », massacrés en Algérie, sont en France exclus des villes. Suite à la guerre d’Algérie, le « noraf » concentre tous les griefs et tous les ressentiments.
C’est aussi le temps des bidonvilles, où près de 10 000 Algériens vivent. Il faudra une décennie pour assister à leur éradication et connaître l’existence des « grands ensembles ». Partout, « les travailleurs immigrés » commencent à marquer l’inconscient collectif. La crise pétrolière, la fin des Trente Glorieuses marquent la disparition d’une époque.
LE TEMPS DES REVENDICATIONS - 1973/1982
Avec le choc pétrolier, la figure de l’émir émerge dans l’espace public. Mais, dans le sud de la France, un racisme anti arabe se développe. Les « Arabes » deviennent une catégorie d’immigrés distincte. Des mesures restrictives sont prises pour limiter l’immigration, voire pour organiser le retour des immigrés dans leur pays : une prime de dix mille francs est offerte aux candidats au retour, lesquels ne se pressent pas. Il y a aussi la révolte des jeunes de la population harki : « Après la trahison, l’abandon ; après l’abandon l’exil ; après l’exil, l’oubli. »
Les Français découvrent qu’il y a désormais autant de Maghrébins en France qu’il y avait d’Européens installés au Maghreb à la fin de la période coloniale. Par ailleurs les relations diplomatiques avec les pays du Golfe sont relancées ; l’idée d’un Institut du Monde Arabe prend forme. L’intégration des minorités arméniennes et libanaises est particulièrement rapide. Pour les autres, en particulier les turcs, venus seuls dans un premier temps, ils obtiennent le droit d’être rejoints par leur famille.
Toutes ces communautés vont être confrontées aux multiples enjeux des politiques intégrationnistes et des conflits religieux. Un Office national pour la promotion culturelle est créé pour « permettre aux immigrés de prendre conscience de leur propre culture en même temps que de découvrir la culture française ». Littérature, musique, sport se développent, mais en raison d’événements internationaux (Iran, Palestine), les immigrés maghrébins et leurs enfants sont de plus en plus perçus comme « musulmans » aux yeux de l’opinion publique, et la notion d’intégrisme islamique prend corps.
Des nouvelles salles de prière font leur apparition en différents lieux, mais aussi de nouvelles revendications et de nouvelles formes de lutte. Une nouvelle dynamique s’installe.
NOUVELLES GÉNÉRATIONS 1983/2000
Les années 80 consacrent l’émergence médiatique et politique de la « génération beur » alors que la France commence à s’enfoncer dans la récession économique. C’est aussi le début des attentats et les violences dans les quartiers se multiplient. En Algérie, c’est la « décennie noire » qui déclenche une nouvelle couche d’immigration. En France, on compte 148 000 étudiants étrangers dont une forte proportion d’étudiants du Maghreb.
Mais « l’affaire du foulard » marque le renforcement des représentations négatives des jeunes Arabes : le 4 octobre 1989, trois jeunes filles de confession musulmane persistent à porter leur « tchador » malgré l’interdiction de l’administration et sont exclues de leur établissement. C’est aussi le début des attentats commis par des extrémistes « musulmans ». Une tentative de clarification est concrétisée par la création d’un Conseil français du culte musulman. En 1998, la victoire de l’équipe de France de football apporte la consécration du mythe « Black-Blanc-Beur », mais la génération « Beur » continue à questionner la société civile sur ses propres fantasmes et préjugés.
Une famille nombreuse |
CRISPATIONS ET CULTURES PARTAGÉES - 2001/2013
À partir des attentats du 11 septembre 2001, des faits divers mettent en scène des populations musulmanes : sifflets contre la Marseillaise lors d’un match de foot France-Algérie.
L’Orient est désormais perçu comme « inquiétant » avec les ombres portées de la guerre en Irak et en Afghanistan. La « révolution de jasmin » tunisienne provoque un flot de migrants; le « printemps arabe » fait fuir l’élite cultivée, notamment vers la France … La poussée de l’islamisme et la difficulté de promouvoir la démocratie sont de nouvelles sources d’inquiétude. Mais l’intégration se poursuit dans le domaine culturel : par exemple le film Indigènes en 2006 de Rachid Bouchared, avec Jamel Debbouze.
À Mantes la Jolie |
Cette nouvelle génération « orientale » se caractérise par des niveaux de diplôme et un taux de chômage élevés,
un rapport aux pays d’origine fort, une faible représentativité politique au niveau local et national et un pourcentage de mariage « hors communauté » important. Des tentatives plus ou moins adroites sont menées pour installer des personnes issues de l’immigration à des postes politiques.
Les investissements des pays arabes se multiplient en France. Et l’islamisation des « quartiers » semble irréversibles. L’histoire du pain au chocolat que mangent les élèves pendant le Ramadan sous les quolibets de leurs camarades musulmans fait la « une ». Il y a aussi l’affaire du port du voile dans les crèches, ou celle de la femme qui conduit son véhicule vêtue d’un niqab … L’affaire des caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo, le comportement de certains imams …
Conclusion : au mois de janvier 2013, une enquête du journal Le Monde souligne cette « fracture » française : 70% des personnes interrogées jugent qu’il y a trop d’étrangers en France, que l’Islam est une religion intolérante, etc . Un sondage qui nous oblige à faire, à refaire de l’histoire, pour bâtir une mémoire commune …